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Rémi Fraisse, 26.10.2014. Grenadé – Sivens

26 octobre 2014, 01:45 – ZAD de Sivens
21 ans. Atteint par une grenade de la gendarmerie qui s’est logée entre sa nuque et son sac à dos : décédé

Victime d’ « une explosion » causée par une grenade lancée par les forces de l’ordre sur le site du barrage contesté de  Sivens.

Sa maman :

« Rémi était un jeune pacifiste plein de vie qui faisait des études en gestion et protection de la nature. Il était bénévole à France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées et avait adhéré à la Ligue des droits de l’homme. Avec FNE, il faisait des relevés de la présence de la renoncule à feuilles d’ophioglosse, une fleur jaune protégée qui est aujourd’hui devenue son emblème. Il était respectueux des autres, des animaux, de la nature.

Je me souviens, quand il était petit et qu’on faisait des balades en famille, il ramassait avec son père les déchets pour les mettre à la poubelle. Il a eu une conscience écologique très tôt et disait souvent que « les arbres, c’est la vie ». Il essayait de faire en sorte que ses actions soient conformes à ses valeurs. Mais c’est le hasard qui l’a conduit à Sivens. »

Rémi est le premier militant écologiste tué par les forces de l’ordre en France depuis l’antinucléaire Vital Michalon, abattu en 1977 par le même type d’arme.

La manifestation des 25 et 26 octobre 2014 contre le barrage de Sivens constitue le point d’orgue d’un mouvement de contestation du projet de barrage de Sivens envisagé sur le cours du Tescou, un affluent du Tarn dans le bassin de la Garonne.

Malgré la destruction de la zone humide, 3 000 personnes se sont retrouvées les 25 et 26 octobre 2014 pour le plus grand rassemblement contre le barrage, devenu enjeu national. La présence de gendarmes mobiles, malgré une mobilisation bon enfant, a fini par exaspérer une partie des manifestants, et la tension est montée. La nuit tombée, les affrontements sont devenus plus violents et vers 1 h 45 du matin, des gendarmes ont décidé de lancer une grenade dite « offensive ». Le projectile a explosé dans le dos d’un jeune homme désarmé. Quand les secours sont arrivés, il était déjà trop tard : Rémi  était mort sur le coup.

La version des flics

Pendant près d’une semaine, les autorités vont tenter de minimiser l’affaire et d’instiller le doute pour réduire la responsabilité des gendarmes mobiles déployés à Sivens :

Communiqué laconique de la Préfecture du Tarn, dimanche 26, 10:30 : «Vers 2h du matin, le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes sur le site de Sivens.» Pourtant, la première autopsie réalisée au petit matin, le 26 octobre, révèle déjà la possibilité d’un décès causé par l’explosion d’une grenade offensive.

Une grenade offensive « égarée » par les gendarmes mobiles à Sivens a été signalée  en haut lieu, selon l’enquête de flagrance à laquelle Reporterre a eu accès. Si les munitions utilisées par les forces de l’ordre sont comptabilisées soigneusement au cours de leurs « opérations », celles qui sont perdues ne sont que très rarement signalées, en raison du risque de sanction.

Interrogé pour l’enquête de flagrance deux jours après les faits, le chef L. de l’escadron de Châteauroux assure aux enquêteurs qu’il pense être en possession de la totalité de son matériel au moment de la relève du samedi soir. Pour lui, il n’y a alors aucun doute : sa grenade a disparu « au moment du départ du site de Sivens. Dans la zone vie et à l’extérieur jusqu’au chemin en direction de la maison forestière ». Des endroits où les zadistes auraient pu accéder.

L’alerte sur la perte de cette grenade n’est donc donnée que le dimanche après-midi et elle tombe à point nommé. Car, à ce moment-là, il ne fait aucun doute que Rémi a été tué par une grenade offensive de type OF-F1« Faire disparaître du matériel pour se protéger, c’est une pratique courante », remarque une source policière qui a pris connaissance du dossier. « Au vu de la quantité de munitions balancées par les gendarmes ce week-end, ils n’étaient pas obligés de la signaler, surtout 24 heures après. » On peut émettre l’hypothèse que les gendarmes ont tenté de se ménager une porte de sortie en mettant de côté une preuve matérielle. Ceci afin de suggérer que le jeune homme aurait été tué par une grenade qu’il aurait récupérée lui-même ou qui aurait été trouvée par des zadistes.

Claude Dérens, procureur de la République, 27.10 :

«La plaie importante située en haut du dos de Rémi Fraisse a été causée, selon toute vraisemblance, par une explosion. Rien ne permet d’affirmer qu’une grenade lancée depuis la zone où les gendarmes étaient retranchés a pu être à l’origine de cette explosion.»

Claude Dérens, procureur de la République, 28.10 :

les zadistes «ont toujours le sac à dos, mais nous espérons qu’ils vont le donner aux enquêteurs.»

La partie du sac encore intacte a été récupérée par les gendarmes en même temps que le corps de Rémi. Elle figure parmi les premières pièces à conviction.

Le doute a été cependant insinué et journalistes et gendarmes posent la question : le sac à dos contenait-il des produits explosifs ?

31 octobre : les analyses présentes dans le dossier confirment « une explosion due au TNT » Aucun autre élément chimique n’est découvert.

On assiste donc à l’échec du double mensonge : non, les zadistes n’avaient pas récupéré le sac, et non, le sac ne contenait pas d’explosif, tel que, par exemple, un cocktail Molotov.

Au demeurant, les cocktails Molotov, abondamment cités par les gendarmes à ce moment, restent presque introuvables le soir du drame. Si, dans l’après-midi, comme cela avait été filmé, deux de ces engins sont envoyés sur les forces de l’ordre, en revanche, durant la nuit, racontent les gendarmes aux enquêteurs, « nous n’avons pas été touchés par ces cocktails, ils sont tombés devant nous (…) ils étaient lancés de trop loin pour nous toucher ».

Après l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » est ouverte. Anissa Oumohand et Élodie Billot, les deux juges toulousaines en charge du dossier, délèguent leurs pouvoirs d’instruction à cette même IGGN et aux gendarmes de la section de recherches de Toulouse. Ces militaires s’échinent à trouver des éléments à charge contre Rémi. Son ordinateur est saisi. Au fil des semaines, ses proches sont auditionnés sous la pression : « On sait tout. Attention à ce que vous allez dire ! » déclare-t-on à un ami de Rémi en guise de préambule à une audition.

Un camarade de la victime raconte que : « Les gendarmes n’arrêtaient pas de demander si Rémi fumait du shit. Tout l’entretien était mené comme si ils voulaient prouver que c’était un vilain garçon. » (Voir ici) Peine perdue : malgré toutes les pressions exercées sur l’entourage de Rémi, les gendarmes ne trouvent rien de probant contre le jeune homme.

Les tentatives d’intimidation se déplacent alors sur les témoignages des opposants qui viendraient contredire la version des forces de l’ordre. Marc, l’opposant de longue date que nous avons déjà cité hier, est entendu par les gendarmes un mois après les faits. « Au début, l’entretien se déroule dans le calme », nous explique-t-il. C’est lorsqu’il en vient à la question épineuse de la position réelle des militaires que l’audition dérape : « Le capitaine en charge de l’enquête se met en colère quand je lui explique que, la nuit de la mort de Rémi, je vois arriver des gendarmes qui prennent position en dehors de la zone de vie du chantier. Il me cite un autre témoin qui n’aurait pas vu la même chose que moi. Le capitaine s’énerve en me précisant que lui aussi était à Sivens, qu’il a été victime de jets de pierre et qu’il y avait des cocktails Molotov. » Devant l’attitude de l’enquêteur, Marc refuse de signer le procès-verbal de l’audition, qui est versé au dossier. Procès-verbal dans lequel il n’est fait aucune mention de la question cruciale de l’équipe « hors-zone », évoquée par le témoin. Mais le procès-verbal où il est écrit noir sur blanc que des militaires sont positionnés hors de la zone de vie ne sera jamais versé au dossier d’instruction.

D’autres témoins interrogés sont intimidés, voire menacés pendant leur audition….

La version de la justice

Le gendarme auteur du lancer de la grenade, interdite depuis fin 2014 dans l’arsenal policier, n’a jamais été condamné. Après une enquête compliquée, la justice a ordonné le non-lieu le 9 janvier 2018. Une décision confirmée en appel deux ans plus tard en 2020 puis en cassation en mars 2021.

De son côté, la cour administrative d’appel a considéré qu’il y avait bien eu « une faute commise par les forces de l’ordre » et condamné l’État, pour le préjudice moral, à verser quelques milliers d’euros à ses proches.

Violences physiques
 Coups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
 Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
 « Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
XUsage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
 Agressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
 Mensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Absence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 09.01.2018 – Non-lieu prononcé contre le gendarme
  • 31.10.2014 – Les analyses confirment une explosion due au TNT
  • 29.10.2014 – Ouverture d’une information judiciaire contre X pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Délégation des pouvoirs d’instruction à l’IGGN et aux gendarmes de la section de recherches de Toulouse par les deux juges Anissa Oumohand et Élodie Billot
  • 26.10.2014 – Agression de Rémi

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