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Hédi, 01.07.2023. Flingué – Marseille

1er juillet 2023 – Marseille
22 ans. Atteint par un tir de LBD40 puis tabassé : hématome intra-cérébral, d’une fracture de la mâchoire, et d’une perte de la vision de l’œil gauche, d’où un coma, une semaine en réanimation, deux semaines en neurochirurgie, plus de 50 agrafes, défiguré et des souvenirs difficiles à vivre
Nuit du 1er au 2 juillet, Marseille : émeutes et violence dans les rues de la ville en suite de la mort de Nahel à Nanterre…

Hédi sortant du travail à Vauvenargues, retrouve un ami sur le Vieux-Port de Marseille pour la « fête des terrasses ». Alors qu’ils n’ont pas participé aux émeutes, ils croisent une équipe de la BAC qui leur demande de partir, et qu’ils « saluent » en passant à leur hauteur. Hédi est d’abord touché par un tir de LBD40 à la tempe , puis, immobilisé, il est tabassé à coups de poing et de matraques et se fait casser la mâchoire : un policier se tient alors sur lui, tandis que les autres le frappent et le matraquent :

« On a croisé une équipe de la Bac, on leur a dit bonsoir et on a vu qu’ils n’avaient pas envie de discuter.

[…] À aucun moment on ne m’a demandé mes papiers, ni ce que je faisais là. J’essayais de leur dire qu’ils pouvaient me fouiller, que je n’avais rien de dangereux. Mais ils ne voulaient rien savoir.

[…] J’ai reçu un impact dans la tête, au début je savais pas ce que c’était. Je suis tombé au sol et quand j’ai voulu me relever, on m’a traîné dans un petit coin où il faisait tout noir et de là on a commencé à me frapper.  Il y en a un qui était allongé sur moi, donc je ne pouvais pas bouger. Il y en a qui m’ont frappé avec les poings, d’autres avec les matraques.

[…] À aucun moment on ne m’a demandé mes papiers, ni ce que je faisais là. J’essayais de leur dire qu’ils pouvaient me fouiller, que je n’avais rien de dangereux. Mais ils ne voulaient rien savoir.

[…] J’ai voulu me toucher la tête mais je n’ai pas senti mon crâne. ».

Selon BFMTV, Hédi se réfugie avec son ami chez un épicier, qui tente en vain de joindre les pompiers, débordés par la situation sur la ville. Hédi, qui perd beaucoup de sang, se met à vomir. L’épicier décide alors de le transporter avec son propre véhicule à l’hôpital de la Timone, où il sera pris en charge. 

Après un coma jusqu’au lendemain, victime d’un trauma crânien, Hédi passe une semaine en réanimation, puis deux dans un service de neurochirurgie. Après deux opérations, les médecins lui retirent un morceau de crâne, qu’ils referment ensuite à l’aide de « 65 agrafes ». Désormais, Hédi se déplace et s’exprime plus lentement.

« […] J’ai eu un trauma crânien, dû à un tir de flash-ball. Et du coup, j’ai une partie du crâne en moins.

J’ai été dans le coma […]. J’ai été opéré de la tête. D’après eux, ils ont opéré un mort. […] . Ils ont été obligés de m’enlever un bout de crâne pour ça « respire ».

[…] Je me suis regardé une fois à l’hôpital, par curiosité, je voulais savoir, mais c’était trop… […] Quand tu vois un grand trait métallique de 65 cm sur ta tête, que tu te vois gonflé, que tu vois que ton crâne n’est plus rond, c’est super dur à supporter. J’ai perdu presque dix kilos

[…] Je parle lentement, je me déplace lentement, avant j’étais une pile et maintenant je dois rester souvent dans le noir, avec aucun son, aucune lumière, parce que j’ai des migraines qui ne s’arrêtent pas.

J’estime avoir une certaine chance de me réveiller avec mes facultés, c’est important étant donné ce qu’il s’est passé, des blessures. Mais tous les jours, c’est encore dur, il faut supporter le fait d’avoir ce passage dans ma vie.

Des fois, je me dis que je vais me réveiller, mais en fait je me réveille toujours avec la tête déformée, avec ces migraines, avec cet œil flou. […] Je me suis regardé une fois à l’hôpital par curiosité mais c’était trop, quand tu vois que ton crâne il est plus comme avant, c’est super dur à supporter.

[…] Je sais que je n’aurai plus la même vie qu’avant, mais ma vie d’avant elle était bien, par rapport à celle-ci.

C’est important de dire que la police est importante en France. Si elle n’était pas là, ce serait un grand bordel. J’en veux à ce groupe d’individus qui se sont permis ce qu’ils n’auraient pas du faire. J’espère qu’ils regrettent, qu’ils ont réfléchi.

Un citoyen français lambda serait déjà en prison et on n’en parlerait plus, je pense qu’ils ont tort, mais ça reste à leur prouver, ils ont besoin de voir et entendre ce qui s’est passé, il y a certains moutons noirs à écarter du troupeau.

Pourquoi moi ? Quand il y en a un ou deux, OK. Mais quand sur une équipe de quatre ou cinq, tu vois qu’ils sont tous pourris, c’est grave. Ça veut dire que c’est clair et assumé. ».

D’après son avocat Me Jacques Preziosi, les blessures de Hédi sont « Autant de choses qui ne sont pas causées par un seul coup, mais par une série de coups portée avec une violence effrayante ».

La version des flics

La cheffe de la BAC n’a signalé aucun incident cette nuit-là, ni aucun usage d’un LBD dans son rapport à sa hiérarchie.

« Aucun policier ne souhaite collaborer à l’enquête, allant même jusqu’à avoir du mal à s’identifier sur les vidéos« , déplorent les enquêteurs de l’IGPN.

Le policier placé en détention provisoire et seul porteur de LBD, identifié grâce à son tee-shirt sur les images de vidéosurveillance au moment des faits, affirme n’avoir aucun souvenir des faits et va même jusqu’à dire qu’il ne se reconnaît pas sur les vidéos qui lui sont présentées.

Un autre policier, identifié lui-aussi grâce à sa tenue vestimentaire, a nié tout fait de violences lors de sa garde à vue, et dit ne pas savoir pourquoi Hedi est tombé au sol. Il dit d’ailleurs n’avoir aucun souvenir des faits.

Un troisième lui aussi identifié grâce à sa tenue vestimentaire, assure ne pas se souvenir de la scène, et ne pas avoir participé à cette action à ce moment-là et a même refusé d’être pris en photo par les enquêteurs de l’IGPN pour « des questions de sécurité » selon ses dires.

Début août, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence doit se prononcer sur la demande de remise en liberté du policier tireur de LBD40 (un « Marseillais de 35 ans au crâne rasé, moulé dans son tee-shirt blanc, un tatouage imposant sur son bras gauche musclé, en détention provisoire depuis deux semaines » selon 20 Minutes). Le flic change pour la première fois de version (il avait toujours nié jusqu’ici) : « J’ai fait usage du LBD à une reprise. […] La consigne était de ne plus interpeller. Arrivé au cours Lieutaud, la consigne était de rétablir l’ordre dans la rue d’Italie prise d’assaut par des individus hostiles qui pillaient. » Selon lui, Hédi « avait toujours le visage dissimulé et était toujours porteur de sa capuche. [… Il a fait ] un mouvement vers l’arrière pour jeter un objet. »

Réplique de l’avocat d’Hédi :

« Moi, je porte souvent des vestes à capuche. Je me demande si je suis en danger parce que je porte des vestes à capuche ! [citant une déclaration d’un des policiers mis en examen : « habillé en mode délinquant. »] C’est extraordinaire ! Qu’est-ce que c’est que cette expression ? Après le délit de sale gueule, on invente le délit d’habit. […] Vous avez tiré à trois mètres dans la tête de ce pauvre homme qui a commis la faute de porter un vêtement à capuche. […] Vous êtes dangereux, monsieur. »

L’escalade de la récupération politique et flicarde :
  • Les syndicats de police réclament un statut spécifique pour les fonctionnaires lorsque les faits reprochés le sont dans le cadre de leurs missions, les des arrêts maladie se multiplient à Marseille, puis dans les Bouches-du-Rhône, puis un peu partout en France, en application du « code 562« , c’est-à-dire un service minimum;
  • David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires SCPN : « Que ce policier doive répondre devant la justice des faits pour lesquels il est soupçonné, c’est une évidence, personne n’est au-dessus des lois. Ce qu’on dénonce – et c’est ce qu’a très bien dit Frédéric Veaux -, c’est qu’un policier soit traité comme un simple voyou alors que les faits qu’on lui reproche ont été commis dans l’exercice de ses fonctions, qu’il a des garanties de représentations. » 
  • Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, déclare que les policiers qui ont participé à la restauration de l’ordre public après les émeutes (à la sanglante répression policière donc) n’ont pas leur place en détention : « Le savoir en prison m’empêche de dormir. Dans ce type d’affaire, le placement sous mandat de dépôt n’est pas la solution« 
  • Une cagnotte « en faveur des familles des policiers de Marseille » est lancée sur la plateforme Gofundme…
Violences physiques
 Grenade de désencerclement
 Taser
xTir de LBD
xCoups de pieds, coups de poings, gifles
 Pieds/genoux sur la nuque, le thorax ou le visage
xCoups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Usage de matraques
 Morsures de chiens
 Usage de spray lacrymogène
 Tirage par les cheveux
 Arrosage
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
 Agressivité, manque de respect, insultes
 Refus de soins ou de médicaments
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
xMensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Confiscation, détérioration, destruction des effets personnels
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Absence de procès-verbal
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  • 03.04.2023 – Audience de la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence sur la demande de remise en liberté du policier tireur
  • 26.07.2023 – Interview d’Hédi à Konbini
  • 20.07.2023 – Mise en examen de quatre fonctionnaires ( deux membres de la BAC sud et deux de la BAC centre) pour violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours ; placement en détention provisoire de l’un des fonctionnaires ; placement des 3 autres sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer
  • 18.07.2023 – 8 fonctionnaires de police placés en garde à vue sur commission rogatoire d’un juge d’instruction
  • 05.07.2023 – Ouverture d’une information judiciaire du chef de violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours. Enquête confiée à l’IGPN
  • 01.07.2023 – Agression d’Hédi