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Aimène Bahouh, 29.06.2023. Flingué – Mont-Saint-Martin

Nuit du 29 au 30 juin 2023 – Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle)
25 ans. Atteint à la tempe gauche par un tir de Bean Bags : placé dans un coma artificiel, il s’est réveillé le 25 juillet « avec pas mal de séquelles« 
Nuit du 29 au 30 juin 2023, dans le contexte des affrontements qui ont embrasé le pays après la mort de Nahel

La nuit des faits, la ville de 10 000 habitants était en proie aux émeutes. Le préfet de Meurthe-et-Moselle avait choisi de déployer une unité du Raid dans le quartier du Val, où vivent les Bahouh.

Le frère d’Aimène, Rochdi :

« Mon frère a fini le travail vers 22 h. Il est employé comme agent de sécurité à Luxembourg-Ville. Une heure plus tard, il était à la maison. Il a passé la soirée là, à discuter avec un voisin et deux jeunes du quartier. Un peu avant 1 h, lui et les deux jeunes ont décidé d’aller chercher de la boisson et un sandwich dans une station ouverte toute la nuit, à Rodange (Luxembourg), juste à côté. »

Aimène, se déplaçait en voiture, vitre ouverte. Deux rues plus loin, il est blessé à la tempe gauche par un projectile. « Pas une balle de LBD », d’après l’un des amis : sur son smartphone, il montre une vidéo d’un sachet ensanglanté contenant de petites billes, recueilli dans une casquette. Un des types de munitions ayant été tirés à Mont-Saint-Martin par le RAID

Aimène est opéré « pendant près de six heures » à l’hôpital d’Arlon, ville belge voisine, les émeutes et les mauvaises conditions météorologiques cette nuit-là n’ayant pas permis son transfert par hélicoptère au CHRU de Nancy. Il est placé dans un coma artificiel, dont il ne se réveillera que le 25 juillet…

D’autres personnes ont également été blessées plus légèrement par des tirs selon des témoignages obtenus par l’AFP, confirmés par le parquet.

La version de la police

Le policier identifié soupçonné d’être l’auteur du tir se souvient d’avoir visé un véhicule « de couleur claire » qui se trouvait rue de Marseille, avec à son bord des « individus cagoulés », dont l’un des occupants s’apprêtait à allumer un mortier. Mais cette voiture ne correspond pas à celle que conduisait Aimène.

Catherine Galen, procureure de la République de Val de Briey :

« Le fait que le jeune homme soit victime d’un tir du Raid est une version plausible et reste la piste privilégiée. Mais pour le moment, nous n’arrivons pas à restituer et comprendre les circonstances de tout cela. Et donc à confirmer formellement cette hypothèse, d’autant que nous n’avons pas de retour sur les éléments médico-légaux.

Les fonctionnaires du Raid sont intervenus dans un cas de violences urbaines en étant pris pour cible par des caillassages, des tirs de mortiers, provenant d’attroupements de piétons et de véhicules passant et repassant devant eux. Ils ont, à plusieurs reprises, fait usage de leurs armes dites intermédiaires (ou « non létales », N.D.L.R.) […] Il nous manque des éléments pour savoir s’il s’agit d’un tir volontaire ou d’une balle perdue, etc.

Rien dans la procédure ne laisse à penser qu’il s’agit d’une intervention dans le cadre d’un refus d’obtempérer. Nous sommes dans un contexte bien différent de Nanterre.

« Est-ce une balle perdue ou un tir parce qu’on soupçonne des auteurs de violences urbaines, cela reste à déterminer. On est sur une scène de nuit, avec de nombreux tirs, des jets de lacrymo, des mortiers, ça reste confus. À la fin de son intervention, le Raid ne savait pas qu’il y avait une victime grave. »

La Procureure a confirmé qu’Aimène n’était pas connu de la justice. Saisi pour les besoins de l’enquête, le véhicule dont les sièges étaient tachés de sang, ne contenait aucun objet pouvant laisser supposer qu’il faisait partie des émeutiers.

La famille « rejette tout amalgame entre Aimène et les émeutiers. C’est quelqu’un qui travaille, il fait 40 heures par semaine en tant qu’agent de sécurité au Luxembourg, ce n’est pas du tout un délinquant ».

Le parquet du Val-de-Briey s’est dessaisi vu la « complexité des faits », au profit de celui de Nancy et une information judiciaire a été ouverte. Selon les conclusions du premier rapport de l’IGPN, dont Le Monde a eu connaissance, les éléments recueillis n’ont pas pu « éclair[er] précisément ni sur les circonstances des faits ayant conduit à la grave blessure de M. Bahouh ni sur les conditions légales d’usage de l’arme par le policier ».

Dans un courrier au procureur de Nancy début août, Me Yassine Bouzrou, l’avocat de la mère d’Aimène, demande le dépaysement de l’affaire, ce qu’il justifie notamment par le refus des juges d’instruction de lui donner accès au dossier :

« L’agent du RAID ayant procédé au tir a nécessairement été identifié à ce jour par l’inspection générale de la police nationale or, à notre connaissance, il n’a toujours pas été mis en examen.

Le refus des magistrats instructeurs d’instruire ce dossier et de communiquer aux parties civiles les éléments du dossier démontre une hostilité qui ne peut s’expliquer que par un souci de protection du fonctionnaire de police qui a commis une infraction extrêmement grave ».

L’usage de « Bean bags« 

Selon une étude de l’Université du Texas publiée en septembre 2020 par le New England Journal of Medecine, les « beanbags », sont des munitions « censées être moins létales et qui ne devraient pas causer de blessures pénétrantes lorsqu’elles sont utilisées à des distances appropriées », elles « peuvent causer des dommages graves et ne sont pas appropriées pour une utilisation dans le contrôle des foules ».

Paul Rocher, universitaire auteur de « Gazer, mutiler, soumettre. Politique de l’arme non létale » explique à l’AFP :

« Il existe un risque de mort inhérent à l’usage de ces armes. Le caractère soi-disant non létal de l’arme incite à une utilisation moins prudente et plus abondante, rendant ces munitions plus dangereuses que par exemple les balles en caoutchouc ».

« Quand j’ai appris ça le samedi matin à mon réveil, je n’arrivais pas à y croire. Je ne savais pas qui appeler pour avoir de ses nouvelles. Pourquoi Aimène ? C’est injuste », explique un collègue de son équipe avec qui il avait pris l’habitude de covoiturer. « C’est un super mec, gentil, sérieux et investi dans son travail. Il avait annulé ses vacances pour faire un remplacement. Il voulait absolument décrocher son CDI ».

Dès l’annonce de l’incident, c’est aussi tout un quartier qui a été bouleversé. Le jeune homme à la carrure imposante est connu pour sa jovialité et est unanimement décrit comme un jeune sans histoire. « J’ai vécu ça comme un coup de massue. Je ne l’ai jamais vu sans son sourire, alors l’imaginer couché sur un lit d’hôpital, ça me fait très mal » explique Thiébaut, un ami de longue date.

Violences physiques
 Coups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
 Pare-chocage (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
XUsage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
 Agressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
 Mensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Absence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 01.08.2023 – Demande de dépaysement de l’information judiciaire vers une autre juridiction par l’avocat de la famille.
  • 06.07.2023 – Plainte pour « violence volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique ».
  • 00.07.2023 – Désaisissement du parquet de Val-de-Briey, au profit de celui de Nancy
  • 30.06.2023 – Ouverture d’une enquête pour “fait de violence volontaire” confiée à l’IGPN de Metz par Catherine Galen, procureure de la République au tribunal judiciaire de Val-de-Briey
  • 29.06.2023 – Agression sur Aimène. Transfert à l’hôpital d’Arlon, 6 heures de chirurgie et coma artificiel