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Agressions

Adama Traoré, 19.07.2016. Asphyxié – Beaumont-sur-Oise

19 juillet 2016 – Beaumont-sur-Oise (Val d’Oise)
24 ans. Plaquage ventral : décédé

Vers 17:00, une patrouille du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) contrôle deux hommes, dont l’un correspond au signalement d’un suspect dans une affaire d’extorsion.

Son frère, Adama Traoré, qui n’est pas recherché, prend la fuite. Une deuxième patrouille le repère dans un domicile privé et l’immobilise par “compression thoracique”. Il se plaint de difficultés respiratoires et tombe inconscient.

Malgré l’intervention du Samu, son décès est constaté à 19:15. Deux autopsies concluent à un « syndrome asphyxique », excluant des violences ayant entraîné la mort.

La version de la police

Selon les déclarations des gendarmes, Adama  a une première fois pris la fuite. Deux gendarmes se seraient mis à sa poursuite, mais l’un des deux seulement l’a rattrapé, l’autre s’est tordu la cheville. Adama aurait fait mine de sortir ses papiers, mais l’aurait bousculé et repris la fuite. Il est rattrapé une seconde fois puis menotté. C’est là, selon leurs avocats, qu’« un individu intervient et violente le militaire qui se retrouve à terre », et qu’Adama s’enfuit une troisième fois. L’individu tiers ne sera pas identifié dans un premier temps mais sera finalement interrogé en mars 2021.

Les gendarmes considèrent a posteriori qu’il s’est enfui craignant d’être interrogé sur les 1 330 euros en liquide et le sachet de cannabis qu’il transportait, trouvés par la suite sur son corps.

Adama n’aurait pas opposé de résistance. Il se serait ensuite levé « seul » mais « difficilement » pour être emmené dans la voiture. Pendant le trajet, (trois à quatre minutes), il donne l’impression de faire un malaise. Arrivés dans la cour de la gendarmerie de Persan, les gendarmes remarquent qu’Adama a uriné sur lui pendant le trajet mais ils indiquent que l’il respire encore. Ils disent l’avoir alors allongé sur le sol en position latérale de sécurité (PLS), ce qui semble impossible étant donné qu’il était toujours menotté.

Après l’autopsie et en attente de résultats complémentaires biologiques, le procureur de Pontoise, Yves Jannier, déclare le lendemain de son décès qu’Adama  souffrait d’« une infection très grave, touchant plusieurs organes » et aurait fait « un malaise cardiaque ». Il indique que le jeune homme n’aurait pas subi de violences, ce que confirme une seconde autopsie, demandée par la famille, laquelle cependant n’évoque pas d’infection contrairement à la première.

Deux ans après les faits un troisième rapport exonère les gendarmes mettant en cause un “trait drépanocytaire” et l’effort physique produit durant sa fuite.

Le 26 juillet 2023, le parquet de Paris demande un non-lieu. Il n’est « pas démontré qu’Adama Traoré ait pu faire l’objet d’un plaquage ventral prolongé » et que « les trois militaires ont employé la force strictement nécessaire et proportionnée, tant dans son niveau, que dans sa durée, aux fins d’atteindre l’objectif visé : immobiliser et menotter un individu en fuite qui résistait à son interpellation ». Si l’expertise de 2021 estime que les gestes interpellateurs « ont pu être un des facteurs aggravants », elle estime qu’ils n’ont « pu avoir qu’un rôle contributif et non déterminant sur l’hypoxémie déjà préalablement développée » » par Adama avant son interpellation et donc qu’« il ne peut être reproché à quiconque de s’être abstenu volontairement de porter secours ».

La version de la famille

Adama aurait pris la fuite parce qu’il n’avait pas de papiers sur lui : « le matin à 10 heures, la mairie a appelé pour dire que la nouvelle carte d’identité d’Adama était prête »

La personne chez qui Adama  s’était dissimulé le décrit lors de sa première audition par les gendarmes en août 2016 comme un homme « essoufflé » au point de ne pas réussir à parler : « Il est assis par terre, n’arrive pas à se tenir, il est essoufflé et la seule chose qu’il me dit, affirme alors ce témoin devant les gendarmes, c’est « tire moi », il respirait bruyamment. »

Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille reproche au procureur d’avoir omis de préciser que les deux rapports signalent comme cause de la mort un « syndrome asphyxique », sans que les médecins légistes ne puissent déterminer la cause de ce syndrome.

Le 5 août 2016, Mediapart révèle que le parquet de Pontoise a lancé une procédure pour rébellion contre Adama lors de son interpellation alors que celui-ci était mort depuis 24 heures, alors qu’il est impossible de poursuivre une personne décédée.

L’avocat de la famille déclare que plusieurs documents médicaux essentiels n’avaient pas été transmis au juge d’instruction. Compte tenu des autres éléments, il évoque que cela ne confirme les craintes de la famille, qui estime que l’enquête ouverte par le procureur Yves Jannier n’est là que pour entraver l’information judiciaire du juge d’instruction. Les documents qui seraient manquants dans le dossier du juge d’instruction sont notamment les rapports des pompiers et du SMUR95, ainsi qu’un troisième document, lui aussi d’ordre médical, émis après la mort de la victime.

Le 4 août, il indique que si ces documents ne sont pas récupérés très rapidement, une plainte sera déposée pour dissimulation de preuves.

Le 29 juillet 2016, L’Obs assure de source judiciaire, que l’un des gendarmes aurait déclaré aux enquêteurs qu’Adama avait « pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation », les trois gendarmes nient par la suite avoir utilisé cette technique du plaquage ventral.

En juillet 2021, la presse révèle que les trois gendarmes impliqués dans l’interpellation — Romain F., Arnaud G. et Mathias U. — reçoivent le 5 septembre 2019 une « citation sans croix simple à l’ordre du régiment » pour être « parvenus » à « localiser et interpeller » Adama Traoré et pour avoir fait preuve « en la circonstance, d’un engagement remarquable et d’une détermination sans faille qui font honneur à la gendarmerie nationale » sur proposition du directeur général de la Gendarmerie nationale Christian Rodriguez.

L’avocat de la famille Traoré estime que cette décoration « déshonore toute l’institution de la gendarmerie nationale, incapable d’enquêter sur les violences commises par ses propres agents. »

On connaît la fin

Ordonnance de non-lieu le 30 août 2023. La famille a fait appel…

Assa Traoré dénonce une « impunité totale » et un « déni de justice ». Après le non-lieu prononcé pour les trois gendarmes impliqués dans l’interpellation mortelle de son frère,  elle « appelle à la mobilisation », mardi 5 septembre, « place de la République » à Paris. « Nous contestons ce non-lieu qui est une honte pour la justice française, qui est une honte pour la France ».

La famille  annoncé qu’elle allait faire appel de cette décision. « Cette ordonnance de non-lieu, qui contient des contradictions, des incohérences et de graves violations du droit, déshonore l’institution judiciaire », a fustigé leur avocat, Yassine Bouzrou.

« Madame Traoré dénonce la justice depuis quasiment le début de l’affaire », a de son côté réagi Rodolphe Bosselut, l’un des avocats des trois gendarmes. « Dans ce dossier, il n’y a aucune violence et donc la décision rendue est une décision logique »,. Pour les gendarmes, « c’est une satisfaction que la justice, après sept ans, ait décidé (…) de dire qu’il n’y a rien contre eux ».

Violences physiques
 Coups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
XPlaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
 « Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
 Agressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
 Mensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Absence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 03.08.2023 – Ordonnance de non-lieu
  • 26.07.2023 – Demande de non-lieu par le Parquet
  • 00.11.2022 – Saisie du comité d’experts belges d’un complément d’information consécutif à l’audition d’un témoin par les juges en mars 202
  • 00.05.2022 – Nouvelle audition des 3 gendarmes, pas de poursuites
  • 27.09.2021 – Plainte de la famille pour dissimulation de preuve
  • 00.03.2021 – Audition d’un témoin
  • 08.01.2021 – Résultats d’une nouvelle contre-expertise belge soulignant pour la première fois la responsabilité des gendarmes
  • 00.09.2020 – Françoise Foltzer, Anne Ihuellou et Clément Bourrelly reprennent l’instruction
  • 00.08.2020 – Mutation des juges d’instruction Laurence Lazerges et Céline Gaudillère, Michaël Gihr demande à être déchargé de l’affaire
  • 10.07.2020 – Ordonnance rejetant la demande de dessaisissement, d’organisation d’une reconstitution des faits
  • 02.07.2020 – Audition de 2 témoins
  • 04.06.2020 – Demande de dessaisissement de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale chargée de l’enquête
  • 02.06.2020 – Nouvelle contre-expertise médicale réalisée par la famille
  • 29.05.2020 – Résultats de la nouvelle expertise
  • 10.04.2019 – Nouvelle expertise ordonnée et audition de 2 témoins
  • 05.09.2019 – Citation sans croix simple à l’ordre du régiment des gendarmes Romain F., Arnaud G. et Mathias U. pour interpellation
  • 00.03.2019 – Contre-expertise médicale réalisée par la famille
  • 14.12.2018 – Clôture de l’instruction sans mise en examen des gendarmes
  • 14.09.2018 – Expertise de synthèse écartant la responsabilité des gendarmes
  • 22.06.2017 – Contre-expertise du professeur Jean-Patrick Barbet et du docteur Pierre Validiré
  • 03.02.2017 – Seconde expertise médico-légale avec la même méthodologie
  • 21.12.2016 – 2 plaintes de la gendarme l’une contre X pour dénonciation calomnieuse, l’autre pour diffamation à l’encontre du site Mediapart
  • 00.10.2016 – Dépaysement de l’affaire
  • 00.09.2016 – Première expertise médico-légale
  • 07.08.2016 – Inhumation au Mali
  • 06.08.2016 – Plainte de la famille contre une gendarme pour faux en écritures publiques aggravés, dénonciation calomnieuse et modification de scène de crime
  • 28.07.2016 – Seconde autopsie
  • 20.07.2016 – Première autopsie
  • 19.07.2016 – Interpellation et décès d’Adama