Acte 23 des Gilets jaunes, Place de la République. Interpellé aux motifs de « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations » et « outrage sur une personne dépositaire de l’autorité publique »
Sur la vidéo publiée par Taranis News, son agence de presse, on peut voir Gaspard interpeller des policiers afin de demander à parler à un commissaire pour se plaindre d’avoir reçu une grenade de désencerclement.
Repoussé par les forces de l’ordre, il leur fait un doigt d’honneur, et les flics le prennent à partie avant de le plaquer à terre.
- “Pourquoi tu nous fais un doigt d’honneur ?”
- “Je me suis pris une DMP putain !”
- “Je m’en bats les couilles.” Le commissaire : “Ce n’était pas contre toi, il faut pas nous suivre c’est dangereux”
- “Vous me lancez une grenade de désencerclement, je vous fais un doigt d’honneur, c’est de bonne guerre”
Gaspard : « J’ai des bleus partout. Quand je me suis fait arrêter, je me suis fait écrabouiller par terre. Je n’ai rien mangé depuis samedi. »
Me Kempf, son avocat: « La garde à vue de Gaspard Glanz est une atteinte à la liberté de la presse et à la liberté d’informer. Elle était disproportionnée et illégale. Si on voulait l’interroger pour un doigt d’honneur qu’il aurait fait aux forces de l’ordre, on n’avait pas besoin de le garder à vue, on pouvait le convoquer au tribunal. […] Autant l’outrage est difficilement contestable, autant le «groupement en vue de commettre des violences» n’a aucun sens. Il est seul, journaliste, et se contente de filmer. Où est le groupement, où est l’intention de commettre des violences ? Cette infraction est d’ailleurs celle qui est retenue chaque week-end contre de nombreux gilets jaunes pour les placer abusivement en garde à vue, sous prétexte qu’ils ont un masque ou du sérum physiologique dans leurs sacs. Une façon de les garder le temps de la manif, voire jusqu’au dimanche, avant de les relâcher, comme l’avait demandé en janvier le parquet de Paris, en totale violation de la loi »
Pour être justifiée, la garde à vue, selon l’article 62-2 du code de procédure pénale, doit d’abord concerner « une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».
Nicolas Mercier, auteur d’une vidéo de l’arrestation pour Hors-Zone Press, et habitué des manifestations des gilets jaunes, s’étonne de la réaction des forces de l’ordre : «Des gilets jaunes qui insultent des policiers, il y en a tout le temps, et il ne se passe souvent rien du tout. Là, on a un journaliste, reconnaissable à sa tenue, qui reçoit visiblement une grenade, et fait un doigt d’honneur après avoir été bousculé alors qu’il demandait des comptes au commissaire»
Reporters sans frontières et le Syndicat national des journalistes dénoncent des « atteintes à la liberté d’informer ». Déféré après presque 48 heures de garde à vue devant le tribunal de Paris, il est convoqué ultérieurement pour le seul motif d’outrage, ce qui pose la question de la légalité de sa garde à vue. Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, estime alors que la garde à vue de Gaspard Glanz s’inscrit dans un contexte plus général de restriction des libertés fondamentales en France.
Le 22 avril 2019, le TGI de Paris lui interdit de paraître à Paris tous les samedis et le 1er mai, jusqu’au 18 octobre 2019. Gaspard conteste cette décision au motif qu’elle porterait atteinte à la liberté de la presse et à sa liberté de travailler, lui qui habite Paris.
Vingt-quatre sociétés de journalistes et rédacteurs affichent leur soutien à Gaspard Glanz dans une tribune publiée le 23 avril. Il annonce dans un premier temps qu’il ne respectera pas la décision du TGI et se rendra le samedi suivant à Paris pour couvrir la manifestation, avant de se raviser sur les conseils de ses avocats.
Peu après cette affaire, Arrêt sur Images annonce l’engager comme collaborateur, qu’ils considèrent comme « particulièrement qualifié sur la question des libertés publiques » pour la conférence de presse d’Emmanuel Macron du 25 avril 201950. Cependant, l’Élysée a refusé l’accréditation du journaliste en indiquant que les inscriptions avaient été fermée la veille pour des raisons de sécurité51,52,53. L’Élysée indiquait également l’obligation de disposer d’une carte de presse, sauf pour ceux obtenant une dérogation54.
Le 29 avril 2019, le tribunal de Paris reconnaît l’irrégularité de son contrôle judiciaire et le lève complètement, lui permettant donc de reprendre ses activités dans les manifestations parisiennes.
Eric Glanz, le père de Gaspard a lancé une pétition pour sa libération et pour le retrait de la fiche S, dont fait l’objet le journaliste.