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Agressions

R., xx.xx.2024. Brutalisé et humilié – X.

2024 – X.
Entre 31 et 50 ans. Insulté, menacé, giflé
Interpellé pour un geste, R. ne s’attendait pas à un tel déchaînement de haine…

« Dans une rue étroite, une voiture de police type berline traverse une foule assez compacte (passants et clients d’un bar attenant). Un doigt d’honneur devant la vitre droite du véhicule. Dans une explosion d’agressivité disproportionnée 4 policiers sortent du véhicule et m’appréhendent violemment : clé au bras, double menottage très serré, insultes et menaces. Je demande de l’aide alors que les policiers m’intiment de rentrer dans le véhicule. La foule est trop intimidée par la brigade pour m’apporter un soutien. Refus d’entrer dans le véhicule de plein gré, par peur d’un passage à tabac dans l’habitacle du véhicule.

Je suis placé de force dans le véhicule puis les policiers prennent places (2 devants, et 2 à l’arrière de chaque côté de moi). Menotété, je suis conduit plus bas dans la rue : le policier du siège avant passager se retourne alors : insultes et menaces assorties de deux claques appuyées. Les policiers me déposent à 300 mètres du lieu de l’agression initiale. De nouveau, contrôle d’indentié (toujours menotté), chantage à l’amende. Les policiers me font comprendre que je peux faire l’objet d’une amende pour outrage mais peux aussi porter plainte pour agression (!) ; tout le monde préfère en rester là.

Séquelles légères : angoisse, poignet gauche gonflé et douloureux encore 2 jours après l’agression, cervicales raides.

Je ne souhaite pas porter plainte mais alerte l’Obspol pour comptage de l’agression. »

Violences physiques
 XCoups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
XClés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
 Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
 « Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
XSerrage douloureux des colsons ou des menottes
XTirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
XAgressivité, manque de respect, insultes
XAppel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
XDéfaut ou refus d’identification des policiers
XContrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
XIntimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
XRefus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
XMensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
XAbsence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée

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Agressions

Théo Luhaka, 02.02.2017. Violé avec une matraque – Aulnay-sous-Bois

2 février 2017 – Aulnay-sous-bois
22 ans. Violé avec une matraque télescopique manche équipé d’un grip antidérapant  lors de son interpellation : graves séquelles permanentes

Le , à 16 h 53, quatre policiers contrôlent un groupe de jeunes gens.

Théo, 22 ans, éducateur de quartier, est maîtrisé par trois fliccs, un quatrième tient le groupe à distance à l’aide de gaz lacrymogène. À la suite de cette interpellation, Théo souffre d’une plaie longitudinale de 10 cm du canal anal et d’une section du muscle sphinctérien, causés par l’insertion d’un bâton télescopique, entraînant une incapacité temporaire de travail (ITT) de 60 jours.

La version de la police

Selon le flic, Théo se serait interposé violemment pendant que l’unité procédait à l’interpellation d’un dealer, qui aurait donc pu s’enfuir. Selon cette version des faits, l’immobilisation de Théo aurait eu lieu après que celui-ci aurait donné, un coup de poing au visage de ce policier.

À l’audition du policier mis en examen pour viol, celui-ci déclare n’avoir frappé que les jambes et n’avoir aucune idée de comment Théo a été blessé. L’usage de gaz lacrymogène, interdit dans ces circonstances, fut selon ce policier, accidentel selon sa déclaration au Dauphiné libéré.

La version de Théo

Il se rendait auprès d’une amie de sa sœur et avait aperçu des amis du quartier. S’approchant, il reçoit l’ordre de policiers, venus à la rencontre du groupe, de se placer contre le mur pour une palpation. Un des hommes contrôlés demanda pourquoi un des agents le menaçait d’une amende de 450 et ce dernier aurait répliqué par une « grosse gifle ». Théo affirme avoir pris la défense de la victime de la gifle, et aurait alors été frappé et insulté, tandis qu’il se débattait.

Il dit également avoir été l’objet d’insultes racistes (notamment « bamboula »), de nouveaux coups et de crachats dans la voiture de police, et affirme avoir été pris en photo en position humiliante par les policiers via l’application Snapcha.

La version de la justice

Le procès de trois des quatre policiers, Marc-Antoine Castelain, Jérémie Dulin et Tony Hochart, s’ouvre le [90],[91],[92],[93],[94],[95]. Il s’agit principalement de déterminer si le coup était légitime et proportionné à la situation ou non. Les agents de l’IGPN ayant mené l’enquête témoignent en faveur de l’accusé, expliquant que même si Théo « ne représentait pas un danger » en s’opposant à son interpellation, « le coup [était] légitime ». Le commissaire divisionnaire de l’IGPN qui a conduit l’enquête administrative prédisciplinaire (qui a proposé la radiation, finalement transformée en blâme) conclut lui à « un usage disproportionné de la force », selon lui « rien ne justifiait ce coup, la justification [que M. Castelain] nous en a donnée n’était pas bonne ». Des peines allant de trois mois à trois ans de prison avec sursis ont été requises. La défense évoque une « violence légitime », préfère parler de « séquelles » que d’infirmité permanente, et plaide l’acquittement.

Les policiers sont condamnés à des peines allant de trois à douze mois de prison avec sursis. Marc-Antoine Castelain est condamné à douze mois de prison avec sursis et une interdiction d’exercer sur la voie publique pendant cinq ans.

Ce que la défense présentait comme une « infirmité permanente » de la victime n’est pas retenu par la cour, qui « n’a pas la conviction que les lésions organiques, en dépit de leur caractère particulièrement grave, ont entraîné pour lui la privation irrémédiable de l’usage de ses facultés organiques, dépassant de simples gênes ou amoindrissements ». En conséquence, c’est du délit de « violences volontaires », que Marc-Antoine Castelain est déclaré coupable, et non du crime de « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente » qui avait justifié le procès en assises.

Violences physiques
 Coups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
 Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
 « Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
XUsage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
XAccusation de rébellion
XAccusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
XAgressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
XPropos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
XMensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Absence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 19.01.2024 – Condamnation par cour d’assises de Seine-Saint-Denis, de Marc-Antoine Castelain, Jérémie Dulin et Tony Hochart

  • 09.01.2024 – Ouverture du procès devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis

  • 13.01.2021 – Avis de blâme du conseil de discipline pour deux des trois policiers; à confirmer par le Préfet

  • 26.11.2020 – Renvoi devant les assises trois des quatre policiers par le juge d’instruction pour «violences volontaires avec circonstances aggravantes»

  • 00.10.2020 – Renvoi devant les assises par le parquet de Bobigny de trois policiers pour «violences volontaires»; la qualification de « viol aggravé » contre un autre des policiers est écartée

  • 23.07.2020 – Clôture de l’enquête; mise en examen des quatre policiers, dont l’un pour viol

  • 21.08.2019 – Une expertise médicale conclut que la victime souffre de séquelles irréversibles depuis l’interpellation

  • 00.02.2018 – Une expertise médicale conclut que Théo n’a pas subi de pénétration anale

  • 00.01.20218 – Publication de la vidéo de l’interpellation

  • 00.03.2017 – Modification de son témoignage par Théo

  • 00.00.2017 – Ouverture d’une information judiciaire pour « violences volontaires en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique » par le Parquet

  • 02.02.2017 – Interpellation et agression de Théo

[Source : Europe 1 sur YouTube]

[Source :YeloTV sur YouTube]

[Source : Brut sur YouTube]
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Agressions

Wissam El-Yamni, 09.01.2012. Mort à l’hôpital après tabassage – Clermont-Ferrand

9 janvier 2012 – Clermont-Ferrand
30 ans. Tabassé pendant une interpellation : coma et décès à l’hôpital neuf jours plus tard

Aux premières heures de l’année 2012, dans le quartier clermontois de la Gauthière, Wissam El Yamni fêtait la nouvelle année avec quelques amis d’enfance, sur le parking du Coccimarket. Un autoradio diffusait de la musique, on se partageait une bouteille de vodka, l’atmosphère était détendue. Pas d’excès, pas de tapage, juste un moment convivial aux pieds d’une cité HLM ordinaire.

Vers 2 h 30 du matin, la police reçut, semble-t-il, un appel provenant du téléphone portable de Wissam et signalant la présence d’un corps inanimé sur la chaussée. Deux (ou peut-être trois) voitures se rendirent sur place, où un véhicule de pompiers les rejoignit également. Les véhicules, parmi lesquels au moins deux équipes de l’unité cynophile, arrivèrent à proximité du parking par la rue de l’Aiguillade. Tandis que les pompiers étaient renvoyés à la caserne, l’un des véhicules de police essuya un jet de pierre qui rebondit sur la vitre. Wissam, identifié comme l’auteur du jet de projectile, fut alors pris en chasse par des agents de police, fuyant en direction de l’école Jean de la Fontaine. La suite reste confuse et le déroulé des faits varie selon les témoignages, bien qu’un certain nombre d’éléments concordent.

Rattrapé à l’angle des rues du Colombier et Grande Combaude (200 m plus loin), Wissam fut frappé une première fois au visage par un policier de l’unité cynophile avant de chuter au sol, puis reçut un second coup dans le thorax. Dans un laps de temps très court et alors que Wissam était déjà au sol et menotté, au moins huit autres véhicules de police (deux voitures de police secours, trois de la BAC, deux de la section d’intervention et deux autres de l’unité cynophile) vinrent stationner sur le parking de l’école Jean de la Fontaine.

Quand les amis de Wissam, alertés, arrivèrent sur les lieux, ils y trouvèrent un grand nombre de policiers (l’analyse des faits en révélera près de vingt-cinq) visiblement rigolards, fumant et écoutant de la musique funk. L’explication la plus plausible étant qu’ils avaient eux aussi fêté la nouvelle année au commissariat avant de partir en intervention. Depuis les immeubles avoisinants, d’autres témoins décriront une scène similaire.

Les policiers évoqueront l’utilisation de chiens pour interrompre Wissam dans sa course. Et d’autres témoins diront que les policiers lancèrent un décompte à haute voix avant de frapper Wissam : d’humeur festive, certains policiers semblaient vouloir se défouler sur le jeune homme.

Finalement menotté et visiblement inconscient, il fut placé sur la banquette arrière de la Ford Mondeo blanche de la brigade canine. Au cours du transport, qui dura entre 3 et 5 minutes, le policier présent à l’arrière avec Wissam le redressa dans un premier temps pour libérer de la place, puis le plaqua contre la vitre pour le maintenir tranquille. Trouvant cette posture inconfortable et cherchant à immobiliser totalement Wissam, le policier appliqua alors, si l’on en croit la version policière, la bonne vieille méthode du « pliage » enseignée autrefois à l’école de police, mais interdite depuis par une circulaire du 17 juin 2003 (suite à la mort par étouffement de Getu Hagos, un jeune Ethiopien sans-papiers, lors d’une expulsion le 16 janvier 2003).

Mais en vérité, personne hormis les policiers ne saura exactement ce qu’il s’est passé dans les minutes qui ont précédé son arrivée au commissariat de la rue Pélissier, ainsi que durant celles qui ont suivi, pour que Wissam se retrouve inanimé, sans ceinture et le pantalon baissé au niveau des chevilles, allongé à plat ventre sur le sol du couloir qui mène aux cellules de garde-à-vue. L’un des policiers qui le sortit du véhicule dira pourtant que Wissam « avait les jambes pendantes et pesait de tout son poids ». Et aucun PV de notification de garde-à-vue ne fut rédigé…

Il semble que dans ce laps de temps, le capitaine Fabrice B., également présent à la Gauthière lors de l’interpellation, aurait procédé à un contrôle d’alcoolémie, agissant « conformément aux demandes du parquet », sur tous les autres policiers présents (trois équipes, six policiers seulement). Aucune trace écrite des résultats d’éthylotest n’existe, mais il faut le croire sur parole : tous ses hommes étaient à 0,00 mg d’alcool par litre de sang, irréprochables. Ce sera d’ailleurs le seul procès verbal de l’officier qui sera versé au dossier, comme s’il n’avait jamais été présent sur les lieux de l’interpellation.

La trame de l’histoire reprend lorsque l’OPJ, en charge de lui notifier son placement en garde-à-vue, se rendit compte que les mains de Wissam avaient changé de couleur et que son pouls cette fois-ci ne battait plus. Elle se décida à faire appeler les secours. L’heure est incertaine, mais il semblerait que les secours (pompiers suivis du SAMU) arrivèrent sur place autour de 03:40, réanimant Wissam qui venait de subir un arrêt cardiaque. Cet arrêt aurait duré entre 10 et 40 minutes selon les versions ! En tout état de cause, Wissam fut transporté et admis à l’hôpital d’Estaing, sans que sa famille ne soit prévenue : il semblerait que personne n’avait alors identifié Wissam.

Au cours de la matinée, les médecins procédèrent aux premiers examens médicaux. Wissam présentait des ecchymoses au visage et sur le torse (coups), accompagnées en interne de fractures du rocher orbital et des côtes, ainsi que de nombreuses lésions, notamment au cou. Les marques relevées au cou apparaissent dans les comptes rendus médicaux comme des marques de compression manuelle, autrement dit de strangulation. Les médecins firent également des analyses sanguines et urinaires révélant un faible mélange d’alcool (1,58g/L), de cannabis et de cocaïne.

Pour une raison indéterminée, ce n’est que vers 16 heures que la famille de Wissam fut informée de son état. Wissam avait déjà été admis en soins intensifs et placé en coma artificiel.

Le 2 janvier 2012, l’IGPN ouvrit une enquête et récupéra le dossier médical, ainsi que les images de vidéo-surveillance du commissariat. À ce stade, les médecins prirent à leur tour des clichés photographiques du corps de Wissam. La famille quant à elle, alertée par le personnel médical, prit des photographies des lésions le 3 janvier. Mais les lésions constatées le premier jour avaient déjà commencé à s’estomper, le coma n’empêchant pas la cicatrisation.

Du 2 au 10 janvier 2012, plusieurs soirées de révolte eurent lieu dans les quartiers périphériques de Clermont Ferrand. La nouvelle de l’agression de Wissam avait couru et les habitants manifestèrent leur colère en brûlant des voitures et des bâtiments publics. Les médias s’empressèrent de médiatiser les émeutes urbaines, sans chercher à en dire davantage sur les faits à l’origine du grabuge. Ce fut l’occasion encore une fois pour les édiles politiques de se scandaliser de la violence des quartiers, tout en occultant la violence quotidienne exercée par les forces de l’ordre sur leurs habitants.

Plus de 400 policiers et gendarmes furent déployés dans les quartiers de la Gauthière, de Saint-Jacques et de Croix de Neyrat, épaulés par deux hélicoptères, l’un équipé d’une caméra thermique, l’autre d’un projecteur. Ainsi, le tabassage de Wissam devait devenir un nouveau prétexte pour aller faire la guerre aux banlieues. Et les journalistes de faire le décompte inutile des véhicules incendiés, comme pour juger de l’intensité de la révolte au regard d’éléments purement matériels. En guise de bilan non matériel, la répression aboutit sur l’arrestation de plus de vingt personnes, dont certaines furent jugées et condamnées à plusieurs mois de prison ferme. Mais on ne guérit pas la colère du peuple à coups de bâtons…

Le 6 janvier 2012, le procureur de la République Gérard Davergne ouvrit une information judiciaire pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » à l’encontre des deux agents de l’unité cynophile à l’origine des premiers coups et du transport vers le commissariat, Arnaud P. et Pascal F. (formateur), 33 et 44 ans. Le dossier d’instruction fut confié aux juges d’instruction Fabienne Hernandez et Jean-Christophe Riboulet. De son côté, la famille El Yamni choisit Me Jean-François Canis et Me Jean-Louis Borie pour les défendre.

Le 9 janvier 2012 vers 17 heures, Wissam décéda sans être sorti du coma, amenant les juges d’instruction à requalifier les motifs de poursuites en « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Le journal local La Montagne informa ses lecteurs que les policiers incriminés n’étaient pas suspendus, mais seulement « mis en congés », tandis que le syndicat de policiers Synergie prenait déjà fait et cause pour ses collègues, se fendant d’un communiqué exhortant « la cohorte des petits inquisiteurs de salon à s’abstenir de lyncher médiatiquement les policiers incriminés ». Et le ministre de l’Intérieur d’ajouter, que « s’il y avait eu interpellation difficile, elle n’était pas le fait des policiers ». Comme dans toutes les affaires du même genre, on entra bientôt dans la phase de discréditation de la victime…

Le 11 janvier 2012, Clermont Ferrand manquant visiblement d’experts légistes, le corps de Wissam fut transmis à Saint-Etienne (135 km) pour procéder à une pré-autopsie. Celle-ci fut alors confiée à Sébastien Duband et Carolyne Bidat, experts en autopsie et thanatologie au service de médecine légale de l’hôpital Bellevue, CHU de Saint-Etienne. Mais à ce moment de l’enquête, ni le dossier médical de Wissam, ni les photographies prises à l’hôpital de Clermont Ferrand ne furent transmis aux légistes. L’autopsie allait donc être réalisée sans réellement tenir compte de tous les éléments survenus entre le 1er janvier et la mort de Wissam après huit jours de coma, et reposer essentiellement sur les conclusions réalisées post-mortem et à partir de clichés photographiques réalisés les 10 et 11 janvier (cotes D146 et D168 du dossier d’instruction).

Entre temps, le Comité Vérité et Justice se constitua autour des proches de Wissam, multipliant les rassemblements et réunions d’information pour mobiliser autour de sa mort : marche de 500 à 600 personnes le 7 janvier, rassemblement de 500 personnes le 10 janvier devant le centre commercial de la Gauthière, marche de 1500 à 3000 personnes le 14 janvier jusque devant la préfecture de région, réunion publique réunissant plus d’une centaine de personnes le 20 janvier à la salle Leclanché, rassemblement d’une centaine de personnes le 27 janvier devant le Palais de Justice de Clermont-Ferrand, rassemblement de 150 à 300 personnes le 11 février devant le commissariat de la rue Pélissier, projection-débat le 15 février à la faculté de lettres, happening de 120 personnes devant la préfecture le 14 avril, etc.

Dès le 24 janvier 2012, le procureur Davergne rendit publiques les conclusions du rapport provisoire d’autopsie. L’expert Sébastien Duband, qui n’avait pas daigné prendre en considération les observations des médecins ayant ausculté Wissam dès son admission à l’hôpital le 1er janvier, conclut à une mort résultant de la « compression des artères carotides internes par des apophyses styloïdes crâniennes anormalement longues chez la victime », suite à un « maintien en hyperflexion » provoquant un « hypodébit sanguin artériel cérébral à l’origine d’une perte de connaissance ».

Cela signifiait donc que Wissam serait mort suite à un « pliage », position qui aurait amené des segments osseux de son crâne à comprimer ses artères et ralentir la circulation sanguine au point d’interrompre l’irrigation de son cerveau et d’engendrer une perte de connaissance. La mort de Wissam devenait donc subitement le résultat d’une malformation naturelle et l’utilisation du pliage fut admise par le policier mis en cause. Par ailleurs, le légiste exclut toute mort traumatique (coups) ou par strangulation, estimant que l’autopsie n’avait « apporté aucun argument en faveur d’un décès d’origine traumatique » et la « superficialité des lésions cervicales n’étant pas en faveur des stigmates de strangulation ». Le légiste semblait ainsi dédaigner la fracture du rocher orbital dû au coup porté au visage de Wissam, coup que les policiers eux-mêmes ne nièrent pas avoir donné. Il reprenait également la version policière attribuant les lésions à des « frottements de vêtements » lors des mesures de contention (pliage), aussi incohérente qu’apparaisse cette version des faits. La mort par overdose alcoolique ou de drogues est également exclue par le rapport.

Immédiatement, les proches de Wissam mirent en doute les conclusions fébriles du légiste. Les photographies prises dès le troisième jour, et malgré la cicatrisation déjà entamée, montraient clairement des marques de strangulation, ainsi qu’un épanchement sanguin remontant jusque sous l’oreille (ressemblant sans s’y tromper à une veine éclatée).

Le 30 janvier 2012, l’IGPN rendit à son tour son rapport, reprenant sans surprise les conclusions de l’expertise légale, précisant cependant que la technique du pliage « ne faisait pas partie des gestes techniques professionnels en intervention enseignés dans les écoles de police » (en tous cas depuis 2003). Elle alla même jusqu’à affirmer que « rien ne permettait de penser que les conditions de l’arrestation avaient été irrégulières », et cela en dépit des nombreux témoignages à charge pour les policiers, notamment des voisins ayant assisté directement à la scène depuis leurs fenêtres.

En février, le Défenseur des Droits Dominique Baudis se saisit de l’enquête en cours.

Le 23 mars 2012, les deux juges d’instruction remirent le rapport définitif d’autopsie, qui ne changea pas de version et confirma la mort par pliage. Dans la foulée, la famille de Wissam refusa ces conclusions et demanda une contre-expertise, mettant en cause la datation des photographies utilisées pour l’expertise et apparaissant dans le dossier d’instruction sous les cotes D146 et D168, celles-ci ayant été prises alors que les lésions sur le corps de Wissam avaient déjà partiellement cicatrisé.

Le même médecin légiste de Saint-Etienne fut alors chargé de procéder à la contre-expertise de sa propre expertise et changea subitement de version, imputant désormais la mort de Wissam à une intoxication cardiaque provoquée par la consommation de drogues ! Et les médias se saisirent immédiatement de cette information plus que douteuse, contribuant à dédouaner un peu plus les policiers tout en salissant la mémoire de Wissam.

Les deux policiers incriminés purent donc reprendre leur travail sans être inquiétés des conséquences de leur geste.

Le 10 juin 2012, le corps désormais mal conservé de Wissam fut cette fois transféré au CHRU La Miletrie de Poitiers (250 km) pour une autopsie complémentaire, alors qu’il ne pouvait guère livrer plus d’éléments à ce stade que trois à six mois plus tôt. Les examens furent réalisés par Michel Sapanet, expert en chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, et Jean-Yves Poupet, expert en médecine générale. De l’aveu même des légistes, le corps en putréfaction ne permettant aucune analyse fiable, l’autopsie fut réalisée sur dossier. En deux jours, nos « experts » eurent donc le temps de procéder aux examens nécessaires et encore une fois les cotes D146 et D168 (photographies prises après les neuf jours de coma) servirent de support à leurs conclusions.

Le corps de Wissam put enfin être rendu à sa famille, qui s’organisa pour le faire inhumer au Maroc, le pays d’origine de ses parents, immigrés en France dans les années 1970 pour y être employés par Michelin.

Imbroglio autour du dossier d’instruction

A l’automne, la famille de Wissam déposa une requête auprès de la chambre d’instruction pour exiger que les photographies produites dans le dossier et datées au 1er janvier par la Sûreté Départementale soient correctement datées et que les véritables photographies prises le 1er janvier soient récupérées et ajoutées au dossier d’instruction. Marwa, la sœur de Wissam, affirma que « ce ne sont pas des photos le premier jour de son hospitalisation. Nous l’avons dit à la juge : sur les photos que nous avons pris le troisième jour, les coups sont beaucoup plus visibles que sur celles des policiers, censées avoir été prises avant ». Autre incohérence : l’OPJ qui avait annexé les trois photographies prises par un policier de l’identité judiciaire avait signalé sur son procès verbal qu’il était en attente de recevoir un album photo complet. Celui-ci ne fut jamais versé au dossier d’instruction. Les policiers plaidèrent une erreur d’écriture : l’album n’aurait en fait jamais existé. Pourtant, ces mêmes policiers avaient affirmé plus tôt avoir pris plusieurs photos le matin du 1er janvier…

Le 17 novembre 2012, la chambre d’instruction ordonna finalement aux juges d’instruction de donner suite à toute demande d’expertise de l’appareil photographique des policiers, ainsi que de l’ordinateur ayant servi à envoyer les clichés.

Le 3 janvier 2013, soit un an après les faits, la Cour d’Appel de Riom fut saisie concernant les clichés photographiques. Dans le même temps, de nouvelles demandes d’actes avaient été transmises au seul juge d’instruction resté en charge de l’affaire, Fabienne Hernandez ayant été déchargée de ses fonctions en décembre : l’exploitation des images de vidéo-surveillance sur le trajet emprunté par les forces de l’ordre, afin de déterminer le nombre exact de véhicules ayant participé à l’intervention ; les conversations radio entre les voitures de police et le relevé des coordonnées GPS des véhicules ; enfin, de nouvelles auditions de riverains et de policiers présents sur les lieux de l’interpellation. Mais toutes ces demandes d’actes se virent opposer un refus.

Le 9 janvier 2013, 70 personnes se rassemblèrent à nouveau devant le palais de justice, exigeant les conclusions de la contre-autopsie. Les deux policiers n’avaient à ce jour pas été mis en examen, ni entendus par les juges d’instruction. La juge s’était contentée de juger sur les conclusions des experts et de l’IGPN, sans jamais solliciter d’enquête contradictoire.

Le 15 avril 2013, soit un an après la remise du corps de Wissam à sa famille, les deux experts rendirent enfin leurs conclusions, reprenant la version élaborée à la va-vite par Duband lors de sa « contre-expertise ». Wissam fut à nouveau rendu responsable de sa propre mort, son décès étant attribué à la présence dans son organisme de « cocaïne et de cannabis ayant entraîné des troubles de son rythme cardiaque ». De même que leur collègue de Saint-Etienne, les experts affirmèrent que « l’examen des tissus du cou ne montre pas de lésions qui permettent de retenir une strangulation », affirmant même que « le décès s’explique sans intervention d’un tiers. L’interpellation a toutefois pu favoriser ou précipiter la survenue du trouble cardiaque en tant que facteur de stress physiologique ». Les lésions osseuses furent quant à elles qualifiés « d’anciennes », observation réalisée à partir des scanners effectués également à neuf jours des faits. L’allongement de l’intervalle QT [4] serait donc seul responsable de la mort de Wissam et le pliage n’était dès lors plus la cause première du décès.

Cette fois encore, la famille rejeta les conclusions hasardeuses des « experts », Poupet et Sapanet n’étant ni l’un ni l’autre experts en cardiologie, ni même en radiologie. Leurs interprétations ne tenaient pas la route, d’autant plus qu’elles entraient en contradiction totale avec les conclusions de la première autopsie. Les avocats de la famille El-Yamni déclarèrent alors :

« Les taux de cannabis (0,5ng/mL) et de cocaïne (4ng/mL) relevés lors de l’analyse toxicologique sont très en-deçà des seuils minimaux de détection utilisés pour le dépistage routier. Ces seuils réglementaires sont de 1ng/mL pour le THC et de 50ng/mL pour la cocaïne, ce qui signifie qu’en-dessous la personne n’est plus sous influence significative. La thèse d’un arrêt cardiaque causé par la prise de stupéfiants ne tient pas. »

La famille demanda le rapport complet afin de le soumettre à des cardiologues professionnels. C’est ainsi que ces conclusions furent transmises au chef du service de cardiologie au CHU de Clermont-Ferrand, qui les contesta en bloc : l’allongement de l’intervalle QT ne se traduit pas forcément par la mort et ne permet pas de conclure quoi que ce soit. Ce n’est pas parce que des personnes meurent suite à un allongement de l’intervalle QT que tous les allongements de l’intervalle QT aboutissent forcément sur un décès. Et encore, il est fortement probable que l’allongement de l’intervalle QT ait été la conséquence du traitement thérapeutique appliqué à Wissam deux heures plus tôt.

Plus d’un an après les faits, la police clermontoise se dota d’un nouveau directeur départemental de la Sécurité Publique, Marc Fernandez, et fit fermer le commissariat de la rue Pélissier pour en inaugurer un nouveau, avenue de la République, en mars 2013 en présence du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui profita de l’occasion pour dénoncer les violences urbaines commises suite à l’interpellation de Wissam. Le discours, bien rôdé, permit de recentrer le débat sur la délinquance des quartiers pour mieux faire oublier la violence des forces de l’ordre. En septembre, le juge d’instruction Jean-Christophe Riboulet quitta ses fonctions à son tour, laissant son poste vacant.

Les autorités voudraient enterrer l’affaire El-Yamni, elles ne s’y prendraient pas mieux…

Violences physiques
 XCoups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
XCoups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
XMorsures de chien
 Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
X« Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
 Usage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Menace avec une arme de poing
XAgressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
XPropos racistes
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
XMensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
XAbsence de procès-verbal
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 24.02.2014 – Mise en examen pour pour « coups mortels » de l’un des policiers
  • 09.01.2013 – Conclusions des deux experts
  • 03.01.2013 – Saisie de la Cour d’Appel de Riom concernant les clichés photographiques
  • 17.11.2012 – Ordre de la chambre d’instruction aux juges d’instruction de donner suite à toute demande d’expertise de l’appareil photographique des policiers, ainsi que de l’ordinateur ayant servi à envoyer les clichés.
  • 00.00.2012 – Requête de la famille aux fins de correction des dates et d’ajoût des photos au dossier d’instruction
  • 10.06.2012 – Transfert du corps au CHRU La Miletrie de Poitiers pour autopsie complémentaire
  • 23.03.2012 – Rapport définitif d’autopsie
  • 00.02.2012 – Autosaisine du Défenseur des droits
  • 30.01.2012 – Rapport de l’IGPN
  • 24.01.2012 – Publication par le procureur Davergne des conclusions du rapport provisoire d’autopsie
  • 11.01.2012 – Pré-autopsie
  • 09.01.2012 – Décès de Wissam
  • 06.01.2012 – Ouverture d’une information judiciaire pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » à l’encontre d’Arnaud P. et Pascal F. 
  • 02.01.2012 – Ouverture d’une enquête par l’IGPN 
  • 01.01.2012 – Interpellation et agression de Wissam