21 novembre 2020 – Paris
41 ans. Tabassé, gazé, insulté
Ça s’est passé samedi à Paris. 15 minutes de coups et d’insultes racistes.
La folle scène de violences policières que nous révélons est tout simplement inouie et édifiante.
Il faut la regarder jusqu’au bout pour mesurer toute l’ampleur du problème. pic.twitter.com/vV00dOtmsg— Loopsider (@Loopsidernews) November 26, 2020
« Avant d’entendre un mot, j’ai senti des mains qui me poussaient ou me tiraient, je sais plus trop, puis là ils me demandent de sortir. Je leur dit « Je suis chez moi« . Ils sont direct assez virulents, et moi à ce moment-là j’ai peur. Je me demande ce qui se passe, je comprends pas ce qui se passe. Il y a des gens qui passent, j’essaye d’interpeler tout le monde, je crie « À l’aide !« , « Qu’est-ce qui se passe ?« .
Franchement ça va tellement vite, je me demande même si ce sont de vrais policiers à ce moment-là, celui qui m’attrape derrière il est en civil, il est virulent tout de suite. Là ils ferment la porte, ils me tabassent là.
Vu la violence, et puis tous les coups que je me prenais, je me dis si je tombe par terre, je vais pas me relever. Je voulais pas avoir de gestes virulents qui allaient jouer contre moi par la suite, c’est à dire que j’étais complètement conscient de ça. Complètement, tout le temps là, il fallait pas que je lève les mains, que je fasse quelque chose qui pourrait s’apparenter à quelque chose de violent. Et voilà, quand je lui parle j’essaye de lui expliquer, et là il me dit « Sale nègre !« , « Ta gueule !« , « On va te défoncer !« . J’ai beaucoup entendu le « Sale nègre !« .
Là c’est des coups de matraque que je me prends. La porte, je l’ai ouverte, parce que j’ai des artistes en bas, je criais « Au secours !, À l’aide, appelez la police ! » à mes artistes là, il y avait des gamins… Il y en a un qui a 16 ans dedans, ils me demandent qu’est-ce qui se passe, je dis « J’en sais rien« , je sais pas ce qui se passe, je suis en sang…
[Avec l’aide des jeunes, les policiers sont repoussés à l’extérieur, puis essayent à nouveau de rentrer en défonçant la porte et en brisant la vitrine, NDLR]
Finalement, c’est moi qu’ils attendent en fait : « Sors ou on va rentrer !Sors ou on va rentrer !« . Et moi j’ai pas envie de sortir, avec les policiers qui sont venus m’agresser. Et là on m’envoie une grenade qu’on envoie pour les manifestants en fait, qui doit être envoyée dehors normalement ! On est en intérieur, tout est fermé. À ce moment-là moi j’ai peur, je me dis que je vais… et ben c’est mon dernier jour peut-être aujourd’hui, voilà ce que je me dis… C’est mon dernier jour, je ne sais pas pourquoi…
[Michel finit par sortir dans la rue, NDLR]
Moi quand je me penche, je vois qu’on me braque, je vois qu’on pointe un truc sur moi, qu’on se cache en même temps, donc ça veut dire : s’ils se cachent, alors qu’ils sont armés, ça veut dire qu’ils pensent que je suis armé moi ? J’ai mon téléphone dans mes mains, je le montre comme ça, devant, c’est mon téléphone qu’est dans mes mains…
C’est là qu’ils m’ont sorti, et je m’en prends plein… Franchement, honnêtement je m’en prends plein, là… À ce moment-là, oulala… Je me prends des coups de tous les côtés, je leur dit « J’ai rien fait« , « C’est bon, c’est bon« …
Sans les images, moi je suis en prison aujourd’hui, et les proches, mes amis, ma famille, les gens que j’aime auraient pensé que, comme le disent les policiers dans leur déclaration, que j’ai voulu prendre leur arme, que je leur ai mis des coups… »
Selon le Canard enchaîné du 02.12.2020, qui a lu le rapport d’intervention des flics de la Brigade de répression des actions violentes (sic) BAV, l’un des flics appelés en renfort veut lancer une grenade lacrymo dans le studio, l’un de ses collègues tente de l’en dissuader :
– « Pas le bon choix, la grenade ! »
– « Trop tard. Elle est déjà dégoupillée »
Bilan : un commissaire divisionnaire devant le conseil de discipline et les 4 flics tabasseurs suspendus et mis en examen pour, entre autres, « violences par personnes dépositaires de l’autorité publique » et « faux en écriture publique« .
Ce qu’a vécu Michel Zecler samedi 21 novembre chez lui et révélé dans une interview vidéo par Loopsider, dans son studio de production, fait peur, très peur. Cela aurait pu arriver chez vous, à votre domicile, dans votre sanctuaire. VOUS auriez pu subir le même traitement bestial, sans aucun moyen de vous protéger.
Arrivé devant son studio, Michel croise une voiture de police. Il décide d’entrer immédiatement par peur d’une amende : il ne porte pas de masque. Les 3 flics sortent de leur véhicule et le suivent jusqu’à l’entrée de son studio. Sans un mot, ils pénètrent illégalement dans le studio et essayent de l’en faire ressortir en le tirant. Puis ils ferment la porte, et la violence se déchaîne :
Michel se fait défoncer pendant 5 minutes et 12,secondes il n’y a pas d’autres mots, par les trois agents du XVIIème simplement parce qu’il ne portait pas son masque. Aussi peut-être un peu parce qu’il est… noir (d’où les injures racistes). Une vingtaine de coups de poings, une dizaine de coups de pieds, plus d’une quinzaine de coups de matraques, au visage et à la tête pour la plupart, coups de genoux dans la tête, prises d’étranglements répétées…
Les agresseurs flicards s’en prennent aussi pris à neuf jeunes artistes présents dans le studio de Black Gold : au sous-sol, les jeunes sont en train d’enregistrer un morceau quand ils entendent les hurlements de leur producteur. Ils montent les escaliers vers le sas d’entrée.
Wensly, 21 ans :
« On savait pas ce qui se passait en fait, on voulait savoir, mais la porte était bloquée, on a réussi à l’ouvrir un peu, et on a vu que c’était des policiers qui frappaient Michel, et Michel criait aussi… À force de pousser, ils ont lâché, et ils ont pris peur, ils sont sortis aussi, ils ont libéré Michel. Nous on a fermé la porte du studio. »
Repoussés à l’extérieur, les flics tentent à nouveau de rentrer dans les locaux en essayant de défoncer la porte et de briser la vitrine à coups de matraque. Les 3 agents ont appelé des renforts. Ils dégainent leurs armes et crient à Michel de sortir : » Sors ! À terre ! Les mains en avant !«
Nouvelle bastonnade… D’autres flics descendent alors chercher les jeunes, réfugiés au sous-sol, pour éviter le gaz lacrymo.
« On voit deux policiers asphyxiés avec des armes, qui nous braquent. Et moi je vous mens pas monsieur, au moment où j’ai vu le policier rentrer dans la pièce, il avait même pas encore parlé que je me suis mis par terre directement. J’ai mis mes mains sur ma tête pour lui montrer que y a rien du tout là, parce que j’avais vraiment peur. Je fais un faux geste, un geste trop brusque, il peut tirer sans faire exprès ! »
« On a pu sortir, on a monté les escaliers, et quand on est sortis, voilà, ils nous ont fait une haie d’honneur, on est sortis au milieu de tous, ils nous ont tous tapés, ils nous ont mis par terre et voilà. »
« Et là, Boum ! On a commencé à me frapper, frapper, frapper, on a pris ma tête, ils l’ont traîné sur cinq mètres. Ça m’a frotté le visage, après ils m’ont enchaîné de coups, et j’ai entendu « Caméra ! Caméra ! » C’est les passants qui filmaient par leurs fenêtres… Dès que j’ai entendu les policiers dirent « Caméra ! Caméra ! On est filmés « , ils ont arrêté de me frapper »…
Les policiers ne savaient pas qu’ils étaient filmés par les caméras de vidéosurveillance du local. Ils ont d’abord prétendu que Michel aurait tenté de saisir leur arme, ce qui est formellement contredit par les images analysées par Loopsider. Il est aussi accusé d’outrage et de rébellion et placé en garde à vue. Les neuf autres victimes sont immédiatement relâchées après une simple prise d’identité. Les parents du mineur du groupe n’ont pas été contactés…
Un des jeunes artistes conclut :
« On sait pas en fait, on sait pas ce qui s’est passé, on sait pas la raison de leur venue, et même eux, je pense qu’ils ne sauront pas dire pourquoi ils sont venus. Donc ça procure une sensation de dégoût, de haine. »
Cette affaire arrive en plein débat sur la loi Sécurité Globale, une proposition de loi actuellement en discussion au Parlement, dont l’article 24 édicte :
Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.
Si cet article avait été en vigueur au moment de l’agression de Michel Zecler, les images des caméras de vidéosurveillance du studio, ainsi que les images filmées par les voisins n’auraient pu être diffusées, ni par la presse, ni par leurs auteurs, qui se seraient alors exposées pénalement.
On a ainsi un exemple parfait et arrivé à point nommé qui démontre sans l’ombre d’un doute que :
- la police a utilisé la force sans raison valable
- la police a utilisé la force de manière disproportionnée
- la police a proféré des injures racistes
- la police a sciemment menti quand elle affirme que Michel s’est rebellé
- la police a sciemment menti en prétendant que Michel a tenté de se saisir de leurs armes
- les policiers impliqués ont sciemment menti à leurs collègues appelés en renfort
- les images filmées des forces de police en intervention peuvent devenir le seul rempart des citoyens contre des débordements dans la sphère privée autant que dans l’espace public, prouvant ainsi le danger que représente la proposition de loi pour les libertés individuelles face à la police.
Violences physiques
X | Grenade |
Taser | |
Tir de LBD | |
X | Coups de pieds, coups de poings, gifles |
X | Pieds/genoux sur la nuque, le thorax ou le visage |
X | Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e |
Coups sur les oreilles | |
X | Étranglement |
X | Clés aux bras douloureuses |
Doigts retournés | |
X | Usage de matraques |
Morsures de chiens | |
X | Usage de spray lacrymogène |
Tirage par les cheveux | |
Arrosage | |
Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
X | Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet |
Violences psychologiques
Accusation de trouble à l’ordre public | |
X | Accusation de rébellion |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Menace avec une arme de poing | |
X | Agressivité, manque de respect, insultes |
Refus de soins ou de médicaments | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
X | Propos racistes |
Violences de la part de collègues policiers | |
Passivité des collègues policiers | |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
X | Obstacle à la prise d’images |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
X | Mensonges, dissimulations, disparition de preuves |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
Confiscation, détérioration, destruction des effets personnels | |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Absence de procès-verbal |
- 02.12.2020 – Débat relancé sur l’article 24 de la proposition de loi Sécurité globale, qui sera refondu par le Parlement.
- 01.12.2020 – Audience du juge des libertés et de la détention. Le président de la république qui dénonce ces violences comme une « agression inacceptable » et « des images qui nous font honte«
- 30.11.2020 – 4 policiers suspendus de leurs fonctions, placés en garde à vue dans les locaux de l’IGPN, puis mis en examen. 3 sont entendus pour violences volontaires, en réunion, avec arme et à caractère raciste, le quatrième policier, soupçonné d’avoir lancé une grenade lacrymogène dans le studio, est mis en examen pour violences volontaire par PDAP
- 27.11.2020 – Ouverture d’une enquête IGPN contre les 3 policiers pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique et faux en écriture publique
- 26.11.2020 – Poursuites contre Michel classées sans suite par le Parquet
- 26.11.2020 – Publication des images de l’agression par Loopsider
- 24.11.2020 – 6 jours d’ITT suite à une déchirure aux tendons, à son crâne ouvert refermé par 2 agrafes, à ses nombreux hématomes et plaies sur le corps
- 21.11.2020 – Michel passe 48 heures en garde à vue
- 21.11.2020 – intervention de la police