8 avril 2020 – Béziers
33 ans. Plaquage ventral, transport avec un policier sur le dos pendant 8 minutes : décédé
Le 8 avril 2020, Mohamed Gabsi, 33 ans, est interpellé à Béziers à 22:20 pour non-respect du confinement (période COVID), après le couvre-feu instauré par la ville entre 21 heures et 5 heures. Ce père de famille de trois enfants était dehors, alors que les rues étaient désertes, allant chercher des cigarettes. L’interpellation est filmée par plusieurs témoins, mais pas par le policier porteur d’une caméra-piéton, qui n’a pas été déclenchée.
Selon des proches de l’enquête, Mohamed délire, hurle et se débat. Il est menotté, longuement plaqué au sol sur le ventre, et transporté vers le commissariat de la police nationale toujours menotté, allongé, avec un des policiers assis sur son dos (ou sur ses fesses, selon leur version), ses collègues précisant qu’il n’y avait « pas d’autres solutions ». Le temps de trajet jusqu’au commissariat est étonnamment long, huit minutes alors que deux suffisent. Il est déjà mort à son arrivée au commissariat, les secours ne peuvent le réanimer.
Des témoins qui affirment que Mohamed était inconscient avant même que le véhicule ne démarre.
Raphaël Balland, procureur de la République du tribunal de Béziers :
« Le policier qui s’était positionné sur la victime, sur la banquette arrière du véhicule de police, a été mis en examen du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique. Les deux autres ont été mis en examen du chef de non-assistance à personne en péril. »
Les 3 policiers municipaux impliqués dans l’interpellation sont entendus le 17 décembre par les enquêteurs de la police judiciaire de Montpellier.
Convoqués à la demande du juge d’instruction, assistés par leurs avocats Mes Abratkiewicz et Medico et placés en garde à vue le 18 à 08:25 : Guillaume L. pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission » et « non-assistance à personne en péril » pour les deux autres. La famille se porte partie civile. Guillaume L. est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer son métier de policier municipal.
Une autopsie, des analyses toxicologiques et anatomopathologiques sont diligentées, mais les conclusions ne qualifient pas « avec certitude » les causes du décès. Néanmoins, dans le rapport, les experts expliquent que plusieurs facteurs « paraissent associés » à ce décès : une participation cardiaque par survenue de troubles du rythme d’origine plurifactorielle (toxique et neurologique) ; un syndrome asphyxique (mécanique par compression cervicale et positionnel). Le rapport fait également état d' »un appui maintenu avec une force certaine en région cervicale, probablement avec un genou ou un coude, qui paraît avoir certainement participé au décès en provoquant un syndrome asphyxique« . et d’une « consommation récente de cannabis sous forme inhalée, probablement dans les six à huit dernières heures de vie » et surtout une « concentration très importante de cocaïne dans le sang alors que cette molécule est rapidement dégradée ». Mohamed avait consommé une importante dose de cocaïne, « potentiellement létale en elle-même.
Avec l’aval de son avocat, Houda sa sœur communique les conclusions de l’autopsie réalisée sur la dépouille de son frère, le 10 avril : « Stigmates liés à la réanimation ; stigmates cutanés au niveau des membres supérieures liés à la maîtrise de l’individu ; signes de chutes récentes, notamment sur les genoux ; compression cervicale antérieure gauche par une surface large, ayant été prolongée et appuyée, à l’origine d’infiltrations musculaires, fracture de la corne thyroïdienne et contusion du nerf vague ; syndrome asphyxique macroscopiquement a minima« .
L’avocat de la famille, Jean-Marc Darrigade :
« Pour rendre justice à M. Gabsi, ces vidéos sont cruciales, car il n’a pas le profil de la “bonne victime”. »
Consommateur régulier de stupéfiants, diagnostiqué schizophrène adolescent, Mohamed souffrait de souffrant de schizophrénie et comptait huit condamnations depuis 2005.
« Rien de ce que j’ai fait ne justifie un hématome », a insisté Guillaume L. à l’audience du 21 mars 2023, réclamée par la défense et la partie civile, avant un éventuel renvoi devant les assises.
Guillaume L. dit s’être assis à l’arrière de la voiture sur les poignets et les fesses de l’interpellé pour le maintenir sur le ventre. Une version démentie par deux témoins, deux frères, qui ont observé la scène depuis leur balcon. Le policier aurait « attrapé l’interpellé avec un bras autour du cou », puis aurait mis ses genoux sur sa « nuque », tout en lui lançant « Ferme ta gueule, je vais te faire dormir ». Guillaume L. avait nié ces faits lors d’une confrontation avec les deux témoins, en février 2022. Le juge clôturera son instruction après le dépôt du rapport d’expertise et de reconstitution du médecin légiste.
Les deux avocats, Maîtres Abratkiewicz et Medico, qui défendent les trois policiers viennent de déposer plainte pour violation du secret de l’instruction : « Ce matin au moment où on allait commencer l’interrogatoire je me suis rendue compte qu’un article de presse relatait un témoignage glaçant qui enfonçait mes clients« , confie Maître Abratkiewicz. Très en colère, l’avocat dénonce un scandale : « C’est de la folie, c’est la première fois que je vois ça. Je suis scandalisé par la diffusion de ces éléments couverts par le secret de l’instruction, des éléments préjudiciables à la manifestation de la vérité mais c’est surtout préjudiciable à la présomption d’innocence. J’ai appris également que la sœur de la victime est allée voir des témoins accompagnée de la presse. A partir de là, on peut se poser la question de la neutralité des témoins. » Une plainte pour violation de l’instruction vient d’être déposée par les avocats des trois policiers en décembre 2020.
En février 2021, la cour d’appel de la chambre d’instruction autorise les trois policiers municipaux à travailler de nouveau à Béziers, mais pas en tant que policiers.
En juillet 2025, le juge d’instruction a suivi les réquisitions du parquet tendant à la requalification des faits alors que le policier municipal soupçonné d’avoir causé sa mort était mis en examen pour coups mortels. La famille de la victime va faire appel.
Houda, la soeur de Mohamed :
« Moi, je réclame que justice soit faite tout simplement, je veux que les gens qui ont tué mon frère paye tout simplement, pour moi, c’est un meurtre, ils l’ont tué donc la logique des choses c’est qu’ils soient mis en examen, mais j’ai confiance en la justice française. »
Justice et Lumière pour Mohamed et ses proches !
Violences physiques
Bousculade / projection | |
Coups de pieds, coups de poings, gifles | |
Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
X | Étranglement |
Clés aux bras douloureuses | |
Doigts retournés | |
Arrosage | |
Morsures de chien | |
X | Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV) |
« Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux) | |
« Tamponnage » (percussion par un véhicule de police) | |
Tirage par les cheveux | |
Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Sévices sexuels | |
Usage de gants | |
Usage d’arme à feu | |
Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
Usage de FlashBall | |
Usage de grenade assourdissante | |
Usage de grenade de désencerclement | |
Usage de grenade lacrymogène | |
Usage de LBD40 | |
Usage de matraques | |
Usage de spray lacrymogène | |
Usage de Taser | |
Usage de tranquillisants |
Violences psychologiques
Accusation de trouble à l’ordre public | |
Accusation d’entrave à la circulation | |
Accusation de rébellion | |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Accusation de manque de respect | |
Accusation de refus d’obtempérer | |
Prise de photos, empreintes, ADN | |
Menace avec une arme de poing | |
Tir dans le dos | |
Charge sans avertissement | |
Course-poursuite | |
X | Agressivité, manque de respect, insultes |
Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
X | Problèmes de santé mentale |
X | Non-assistance à personne en danger |
Harcèlement | |
X | Arrestation |
Violences de la part de collègues policiers | |
Passivité des collègues policiers | |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation, chantage, menaces | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
Obstacle à la prise d’images | |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
Refus de soins ou de médicaments | |
Perquisition | |
Fouille | |
Mensonges, dissimulations, disparition de preuves | |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
Absence de procès-verbal | |
Détention | |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | |
Position inconfortable prolongée |
- 00.07.2025 – Requalification des faits par le juge d’instruction suivant les réquisitions du parquet alors que Guillaume L. était mis en examen pour « coups mortels« .
- 26.02.2021 – Modification du contrôle judiciaire des trois policiers municipaux par la cour d’appel de la chambre d’instruction
- 18.12.2020 – Mise en examen de Guillaume L. pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission » et « non-assistance à personne en péril » pour les deux autres; placement de Guillaume L. sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer son métier de policier municipal; constitution de partie civile de la famille
- 17.12.2020 – Audition des 3 policiers et GAV; Dépôt de plainte pour « violation de l’instruction » par les avocats des trois policiers
- 09.11.2020 – Expertise médicolégale infirmant les conclusions de l’autopsie
- 13.05.2020 – Notification des conclusions de l’autopsie à la famille; publication des résultats par la famille
- 10.04.2020 – Autopsie du corps de Mohamed
- 00.00.2020 – Ouverture d’une information judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique » et « non-assistance à personne en péril«
- 08.04.2020 – Agression et décès de Mohamed
- 2023.03.24_Bladi_Reconstitution.Difficile.Du.Deces.De.Mohamed.Gabsi.Mort.Apres.Son.Interpellation.pdf
- 2023.03.22_FranceBleue_Deces.De.Mohamed.Gabsi.Une.Reconstitution.Trois.Ans.Apres.Le.Drame.A.Beziers.pdf
- 2021.02.26_Beziers.Deces.De.Mohamed.Gabsi.Les.Policiers.Peuvent.Retravailler.A.La.Mairie.pdf
- 2020.12.17_FranceBleue_Enfin.Une.Garde.A.Vue.OIn.Ne.Se.Bat.Pas.Pour.Rien.Se.Rejouit.La.Sœur.De.Mohamed.Gabsi.pdf
- 2020.12.17_France3_Mort.De.Mohammed.Gabsi.Au.Commissariat.De.Beziers.Trois.Policiers.Municipaux.Places.En.Garde.A.Vue.pdf
- 2020.06.04_midilibre_Interpellation.Musclee.A.Beziers.La.Soeur.De.La.Victime.Devoile.Les.Conclusions.De.L.Autopsie.pdf
- Fiche Wikipedia
- Avocats : Jean-Marc Darrigade
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- Dernière mise à jour : il y a 1 semaine - Publié le