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Lola Villabriga, 18.12.2018. Flinguée – Biarritz

18 décembre 2018, Biarritz
18 ans. Triple fracture de la mâchoire et 2 dents cassées par un tir de flash-ball : 45 jours d’ITT et un trauma psychologique
Manif anti-G7, en marge de la visite du ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian

Le 18 décembre, la ville est sous haute surveillance. Lola n’est pas une habituée des manifestations mais ce jour-là, l’étudiante à l’école d’art de Bayonne rejoint des amis dans le centre de Biarritz. Une mobilisation contre le G7 qui doit se tenir à la fin de l’été dans la station balnéaire a, en parallèle, été lancée à l’appel de diverses organisations. En début d’après-midi, les forces de l’ordre essaient de disperser les regroupements de populations.

« Il est 14 heures, je voulais faire un petit doc pour l’école, je suis debout sur un banc devant la grande plage, je filme d’abord le large puis je me retourne côté promenade où se trouvent des manifestants et des policiers. J’ai l’œil dans le viseur et je suis dos à l’hôtel du Palais quand subitement un projectile allant à 300 km/h m’atteint à la bouche. Rien qu’au bruit, j’ai toute de suite compris que c’était un tir de LBD et vu la violence, j’ai su que c’était une arme qui venait de me frapper. Le tir m’a atteint à la bouche, j’étais en sang. Un street médic m’a aidée et heureusement aussitôt un camion de pompier est passé ; j’ai été conduite à la clinique d’Aguiléra où un stomato a effectué les premiers soins. »

Le projectile a touché le bas de sa joue. Le diagnostic est fait : une triple fracture de la mâchoire, la commissure de la lèvre est déchirée, une dent arrachée, les autres sont branlantes. Lola est hospitalisée et opérée, on lui met des plaques.

Aujourd’hui, les séquelles physiques de Lola commencent à s’estomper, même si elle a toujours une fragilité de la mâchoire, elle n’a pas de handicap. En revanche elle garde un traumatisme psychologique qui s’effacera difficilement. Certes, Lola était engagée pour la cause écologique mais de façon pacifiste. Jamais, elle n’avait imaginé que sur ce territoire où elle a grandi, sa vie pouvait basculer aussi brutalement juste pour avoir était là. Là, dans une ville qui accueillait des autorités politiques mais où des altermondialistes, entre autres, venaient exprimer leur liberté de penser.

« L’enquête a été ouverte. C’est un policier de la BAC de Bordeaux qui a tiré à 10 ou 20 mètres. Avec mon avocate nous avons déposé une plainte. Le procès a lieu au tribunal de Bayonne. C’est assez exceptionnel. La justice va pouvoir faire son travail.

Forcément, lorsque l’on voit autant de personnes qui restent sur le carreau, depuis des années par rapport aux violences policières […] d’avoir le nom d’un policier en particulier, et de pouvoir le « traîner en justice », c’est exceptionnel. Je ne sais pas si l’on pourra prouver l’intentionnalité, ou non, des faits, mais au moins, la justice va pouvoir faire son travail.

J’espère que le contexte va permettre une prise de conscience. Interdire le LBD notamment. Lors de mon procès, de nombreux amis vont venir me soutenir. Je ne serai pas seule. Eux aussi attendent des réponses. Des décisions de la part de la justice.

Il faut que tous les mutilés des manifestations aient accès à la justice.  La France est pointée du doigt par l’Europe. Il ne faut plus que des gens soient mutilés pour l’exemple. Il n’est pas normal qu’en 2021 on essaie d’intimider des gens pour qu’ils aient peur d’aller manifester; en fait tout cela est bien orchestré. C’est fait pour l’exemple, pour montrer à d’autres que si jamais ils ne se calment pas, si jamais ils vont manifester et bien ils vont perdre un œil, une main ou être choqué à vie.

Il faut revoir le système de maintien de l’ordre dans les manifestations et les armes qui sont utilisées. Je participais d’ailleurs ce samedi après-midi à une manifestation contre les violences policières, à Metz.. J’espère que le procès va mettre fin aux techniques actuelles de maintien de l’ordre et remettre l’État français face à ses responsabilités. »

Son avocate Sophie Bussière :

« On parle de nouveau des problèmes liés au maintien de l’ordre. Dans un contexte où il y a beaucoup de blessés dans certaines manifestations dernièrement avec très peu de poursuites. Ce procès sera peut-être l’occasion d’évoquer toutes ces violences. » 

Poursuivi pour « violences involontaires », le policier tireur de la brigade anticriminalité (BAC) Sébastien M. a reconnu les faits et admis une « blessure par imprudence » le 26 juin 2020, dans le cadre d’une « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC), une procédure qui permet d’accepter une condamnation pénale tout en évitant un procès. Le policier a accepté cette peine proposée par le parquet de Bayonne et homologuée dans la foulée par un juge du tribunal en audience publique. Il est condamné à 90 jours-amende à 15 euros, soit un total de 1.350 euros, avec possibilité d’emprisonnement en cas de non-paiement.

Cicatrice barrant le bas du visage, Lola a confié se sentir « un peu mieux, soulagée » à la sortie de l’audience. « J’ai eu la chance qu’on retrouve mon tireur, qu’il ait tenu à me parler, il m’a fait part de son regret. Mais tout le monde n’aura pas cette chance. »

« Cette exposition médiatique ne me plaît pas, mais je me dis que c’est important. Le plus dur, c’est peut-être psychologiquement. C’est un geste violent, après lequel on ne voit plus les choses de la même façon, on ne se sent plus pareil. On m’a retiré les plaques l’été dernier (à la mâchoire, après une triple fracture, NDLR). La cicatrice se voit encore, mais cela ne me gêne pas trop. J’ai une dent en moins, une autre qui doit être dévitalisée, et des petits morceaux qui partent parfois. Mais j’ai la chance de ne pas avoir gardé de handicap physique.

On nous ressert toujours l’argument selon lequel tous les flics ne sont pas violents. Il y en a sans doute qui font bien leur travail. Mais il y en a aussi qui prennent beaucoup de liberté par rapport à leur statut et leur position. C’est tout un système que nous dénonçons. Il y a ceux qui sont violents, ceux qui protègent ceux qui sont violents, et la police des polices. On ne s’en sort pas! Ce sont tous des collègues. »

Violences physiques
 Bousculade / projection
 Coups de pieds, coups de poings, gifles
 Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage
 Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e
 Coups sur les oreilles
 Étranglement
 Clés aux bras douloureuses
 Doigts retournés
 Arrosage
 Morsures de chien
 Plaquage ventral / mise à plat-ventre / décubitus ventral (DV)
 « Pliage » (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux)
 « Tamponnage » (percussion par un véhicule de police)
 Tirage par les cheveux
 Serrage douloureux des colsons ou des menottes
 Tirage par les colsons ou des menottes
 Sévices sexuels
 Usage de gants
 Usage d’arme à feu
 Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb)
 Usage de FlashBall
 Usage de grenade assourdissante
 Usage de grenade de désencerclement
 Usage de grenade lacrymogène
XUsage de LBD40
 Usage de matraques
 Usage de spray lacrymogène
 Usage de Taser
 Usage de tranquillisants
Violences psychologiques
 Accusation de trouble à l’ordre public
 Accusation d’entrave à la circulation
 Accusation de rébellion
 Accusation de coups à agent
 Accusation de menace à agent
 Accusation d’injure à agent
 Accusation de manque de respect
 Accusation de refus d’obtempérer
 Prise de photos, empreintes, ADN
 Menace avec une arme de poing
 Tir dans le dos
XCharge sans avertissement
 Course-poursuite
 Agressivité, manque de respect, insultes
 Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet
 Propos sexistes
 Propos homophobes
 Propos racistes
 Problèmes de santé mentale
 Non-assistance à personne en danger
 Harcèlement
 Arrestation
 Violences de la part de collègues policiers
 Passivité des collègues policiers
 Défaut ou refus d’identification des policiers
 Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation
 Intimidation, chantage, menaces
 Intimidation ou arrestation des témoins
 Obstacle à la prise d’images
 Refus de prévenir ou de téléphoner
 Refus d’administrer un éthylotest
 Refus de serrer la ceinture pendant le transport
 Refus d’acter une plainte
 Refus de soins ou de médicaments
 Perquisition
 Fouille
 Mensonges, dissimulations, disparition de preuves
 Déshabillage devant témoins de l’autre sexe
 Flexions à nu devant témoins
 Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention
 Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention
 Pression pour signer des documents
 Absence de procès-verbal
 Détention
 Privations pendant la détention (eau, nourriture)
 Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière)
 Complaisance des médecins
 Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière)
 Position inconfortable prolongée
  • 26.06.2020 – Procès du policier Sébastien M. devant le tribunal correctionnel de Bayonne pour « violences involontaires« ; condamnation à 90 jours-amende à 15 euros, soit 1350€
  • 00.01.2019 – Dépôt d’une plainte contre X pour pour « violence aggravée avec arme » par Lola ; signalement du Préfet auprès du ministère de l’Intérieur, débouchant sur une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN)
  • 18.12.2018 – Agression de Lola