N’en déplaise aux policiers qui se sont rassemblés à l’appel de leurs syndicats le 19 mai devant l’Assemblée nationale, et à leur sinistre de tutelle Gérald Darmanin venu à leur « rencontre »....
Le nombre d’agressions recensées contre les flics n’a pas doublé en 15 ans comme l’affirme Darmanin, il a augmenté de 28% :
2005 : 3 842 agressions
2020 : 4 931 agressions
Enfin le nombre de policiers blessés en service ou dans le cadre de leurs activités n’a lui aussi que légèrement augmenté :
2014 : 18 887 blessé.es
2015 : 19 047 blessé.es
2016 : 18 721 blessé.es
2017 : 18 316 blessé.es
2018 : 20 306 blessé.es
Ça n’a pas empêché le poulailler de se mettre en branle et en ordre de marche le 19 mai, comme avant chaque échéance présidentielle ainsi que le rappelle opportunément le Canard enchaîné :
Fin 2001 : 10 000 flics après la mort de 2 policiers. Le sinistre de l’Intérieur de l’époque, Daniel Vaillant, leur lâche 450 millions de grain supplémentaire.
2012 : des centaines de bleus défilent sur les Champs-Elysées gyrophares allumés. Sarkozy y va de ses primes.
2021 : 120 000 flics paradent, Macron rallongera-t-il le budget de la police nationale déjà bien gonflé (11,2 milliards d’€, 8% de plus qu’en 2017) ?
Comme le rappelle Le Monde (17 et 29/11), il ne devait s’agir initialement que de la traduction législative d’un rapport parlementaire consacré au « continuum de sécurité » et destiné à mieux articuler le travail entre les trois grandes entités que sont la police et la gendarmerie (250 000 personnes environ), la police municipale (33 000 fonctionnaires) et le secteur de la sécurité privée (175 000 agents)...
Que des foules marchent dans toujours plus de ville,
Que les incidents impliquant les forces de l’ordre sont monnaie courante désormais,
Que le nassage sera débattu devant le conseil constitutionnel [Lire l’article suivant],
Que Michel Zecler et ses jeunes musiciens se font assiéger et tabasser dans un déchaînement de haine flicarde dans leur propre studio
Que les incidents se multiplient à l’occasion de contrôles COVID,
Que des journalistes ne sont plus épargnés par le besoin d’en découdre des flics (comme Tangi Kermarrec le 17 novembre par des BRAV [sic, brigades de répression des actions violentes !]
Que lle jeune photographe indépendant d’origine syrienne Ameer al Halbi est blessé au visage par un coup de matraque le 28 novembre,
Quel la photojournaliste Hannah Nelson est gardée à vue une nuit entière,
Que le journaliste Gaspard Glanz porte plainte pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique », « abstention volontaire de mettre fin à une privation de liberté illégale » et « entrave à la liberté d’expression et du travail » : « En 2020, dans 80% des manifs que j’ai couvert, je me suis retrouvé en garde à vue ! Ras-le-bol !« )
Fallait-il en rajouter pour complaire aux forces de l’ordre ?
Chronique incomplète de la dérive sécuritaire de l’année :
03.2020 – Macron lors du grand débat national à Gréoux-les-bains : « Ne parlez pas de ‘répression’ ou de ‘violences policières’, ces mots sont inacceptables dans un État de droit […] Je n’aime pas le terme ‘répression’ parce qu’il ne correspond pas à la réalité » (Le Canard enchaîné)
04.2020 – Le Sinistère de l’intérieur passe un appel d’offres pour 650 drones qui s’ajoutent aux 235 déjà en service (Le Canard enchaîné)
16.09.2020 – Darmanin rend public le nouveau Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO), qui prévoit l’accréditation des journalistes pour participer aux manifs, et édicte : « Le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes«.
15.10.2020 – Macron reçoit les syndicats de police et leur promet des dispositions sur la diffusion d’images d’images des forces de l’ordre : en présence de Darmanin et Dupond-Moretti, il s’engage à créer une peine plancher pour toute agression contre un policier, avant que Dupond-Moretti lui fasse remarquer que c’était inconstitutionnel. Dupont-Moretti qui confiera plus tard, selon le Canard enchaîné (25.11.2020) : « Le Conseil constitutionnel n’acceptera jamais le fameux article 24 […] Je me demande encore bien pourquoi le gouvernement s’est embarqué dans une galère pareille. On condamne sur des faits, pas sur des intentions. Ce n’est pas faute d’avoir averti Macron.«
12.11.2020 – Saisie par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU adresse à Macron un rapport sur la proposition de loi : « Nous craignons que l’adoption et l’application de cette proposition de loi puissent entraîner des atteintes importantes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et d’opinion, et le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique ». « Nous exhortons les autorités françaises à éviter de prendre des mesures qui résultent dans la stigmatisation de groupes entiers et nous les exhortons à prendre activement des mesures pour que des groupes ne soient pas stigmatisés ou ne voient pas leurs droits de l’homme violés parce que certains individus ont fait des choses qu’il ne fallait pas faire« , a déclaré Michelle Bachelet. La Haut-commissaire a rappelé qu’en termes de violences policières, elle avait déjà fait part de ses inquiétudes durant les manifestations du mouvement de protestation des Gilets jaunes, lancé fin 2018 en France, et elle « encourage les autorités à mener des enquêtes rapides, complètes, indépendantes, impartiales et transparentes pour toute violation des droits de l’homme« .
13.11.2020 – Darmanin veut durcir le texte de la proposition de loi et introduire le floutage des visages des policiers (Libération 13/11)
20.11.2020 – Une disposition est examinée en procédure accélérée par une commission mixte paritaire dans le cadre de la loi de programmation de la recherche complète l’art. 24 de la proposition de loi Sécurité globale qui prévoit une peine de 3 ans de prison pour quiconque, « en réunion« , vient « troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement« . Merci au sénateur centriste Laurent Lafon qui a introduit l’amendement. À l’origine, dans sa première formulation, la disposition visait à pénaliser toute entrave ou intrusion dans les locaux universitaires. Libération (20.11.2020) note que, s’agissant d’un cavalier législatif, cette mesure pourrait être retoquée par le Conseil constitutionnel
29.11.2020 – Le Procureur Rémy Heitz détaille la procédure envisagée pour les 4 flics qui ont tabassé Michel Zecler. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale : « La relation entre la police et la population n’est pas entamée«
01.12.2020 – Roselyne Bachelot, ministre de la culture (et de la presse) : « Le ministre de l’intérieur ne m’a absolument pas associée à cet article 24. J’ai découvert le truc quand ça a commencé à faire polémique. […] Si le ministre de l’intérieur avait procédé à un minimum de concertation avant de rédiger son article 24, il aurait évité cet écueil [toucher à la loi de 1881 sur la presse]« .
04.12.2020 – Macron : » Je ne peux pas laisser dire qu’on réduit les libertés en France. […] C’est un grand mensonge. On n’est pas la Hongrie ou la Turquie » (Brut, 04.12.2020). Pierre Rosanvallon, sociologue et professeur au Collège de France : « On se rapproche d’une démocratie à tendance technocratique mâtinée d’un penchant liberticide.«
04.12.2020 – Trois décrets sur les fichiers de police sont pris par Darmanin. Possibilité de collecter dans certains cas des données nominatives relatives « à des opinions, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale« , ainsi que des « comportements et habitudes de vie« , des « pratiques sportives« , des « facteurs de fragilité« , des « addictions« , des « liens avec des groupes extrémistes » ou des « facteurs de dangerosité« .
09.12.2020 – Le Canard enchaîné (09.12.2020) révèle un beau mélange des genres : le député LRM Jean-Michel Fauvergue, l’un des deux rapporteurs de la loi, ancien patron du RAID, est aussi le fondateur de Fauhestia Cons, une société de conseil spécialisée en « formation et toute intervention de ce type dans les domaines du management et de la sécurité« …
Bref rappel des principales dispositions contestées de la proposition de loi en question
Art. 21 et 22 – Désormais, les flics pourront filmer les manifs avec des drones, dont les images seront visionnées en direct depuis la salle de commandement, puis archivées pendant un mois. Mais pas que les manifs : tous « lieux particulièrement exposés à des risque d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants.«
Art. 23 – Il prive les condamnés pour infractions contre les forces de l’ordre, les élus ou les pompiers du bénéfice du système de réductions de peine automatique accordées aux détenus (Le Monde 01.12.2020)
Art. 24 – La disposition qui fait le plus débat. Il pénalise l’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre. La diffusion « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique », sera punie d’un an de prison et d’une amende de 45 000 euros. La mesure n’interdira pas de transmettre les images aux autorités administratives et judiciaires. D’où un risque évident de limitation du droit d’informer et d’impunité des policiers violents
Depuis novembre 2018, le bilan des bavures pendant les manifs ressortant des seules statistiques hospitalières est sidérant selon le Canard enchaîné :
1 mort,
5 mains arrachées,
25 personnes éborgnées
plus de 300 admissions à l’hosto pour blessures à la tête.
Plus 334 signalements suivis d’investigations par l’IGPN, mais peu de suites judiciaires : si le nombre d’enquêtes à augmenté de 32% en 3 ans, les sanctions prononcées ont reculé de 19%…
Selon le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, 39 flics auraient été virés (JDD 29.11.2020), sans que ce chiffre ait jamais figuré dans un rapport de l’IGPN.
Comme le souligne Le Canard enchaîné (09.12.2020), voilà un nouvel avatar de l’axiome « Un drame, un attentat, un fait divers, une polémique = une loi« . Le code pénal actuel permet déjà de poursuivre la diffusion d’images de policiers assortie de menaces ou de commentaire injurieux, il n’y a aucun vide juridique en la matière.
La conformité à la constitution de la technique employée par les forces de l’ordre visant à encercler puis détenir des manifestants a été portée par la Cour de cassation devant le Conseil constitutionnel en marge d’un recours pour « atteinte arbitraire à la liberté » et « entrave aux libertés d’expression et de manifestation » introduit par un collectif de citoyens et d’ONG en 2011
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Alors que le nassage (Kettling en anglais) est devenu pratique courante ces derniers années, non seulement en France mais chez nos voisins belges, cette QPC mérite toute l’attention de la société civile dans son ensemble, à l’heure où de plus en plus de citoyens descendent dans la rue pour défendre leurs droits et leurs libertés, et où les heurts avec les forces de l’ordre se multiplient.
QPC, Késako ?
La Question Prioritaire de Constitutionnalité, né de la réforme des institutions du 23 juillet 2008, permet à tout justiciable de demander à la juridiction qui examine son affaire que le Conseil constitutionnel soit saisi d’une disposition législative s’il.elle estime qu’elle porte atteinte à ses droits et libertés garantis par la Constitution. Selon Patrick Wachsmann, professeur de droit public à l’université de Strasbourg, « la plus-value d’une QPC, lorsqu’elle aboutit, réside dans l’énergie et l’efficacité de la mesure qui en découle, c’est-à-dire l’abrogation d’une disposition législative jugée non conforme à la Constitution. »
Image : France 3 – INA
L’affaire à l’origine de la QPC
21 octobre 2010 – Manif contre la réforme des retraites, Lyon. Place Bellecour, 700 participants sont « nassés » de 13:00 à 19:00, isolés du reste du cortège et empêchés de circuler, suite à un ordre donné l’ordre aux forces de l’ordre par l’ancien directeur de la sécurité publique du Rhône, Albert Doutre, et l’ancien préfet Jacques Gérault.
2011 – Le Collectif du 21 octobre, constitué d’associations et organisations syndicales dénonce « une garde à vue à ciel ouvert » et porte les faits devant la justice.
02.02.2017 – Ordonnance de non-lieu des deux juges d’instruction pour Albert Doutre et Jacques Géraut
2017 – Appel du Collectif du 21 octobre. Le parquet général requiert un non-lieu
25.10.2018 – la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Lyon demande le renvoi d’Albert Doutre et de Jacques Géraut devant un juge et leur mise en examen pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle, privation de liberté et entrave concertée à la liberté d’expression«
21.01.2019 – Audition d’Albert Doutre par deux juges d’instruction
22.01.2019 – Audition de Jacques Géraut par deux juges d’instruction
10.06.2019 – Albert Doutre et Jacques Géraut sont placés sous le statut de « témoin assisté«
09.2019 – Nouvel appel des parties civiles
05.03.2020 – La chambre de l’instruction confirme en appel le non-lieu pour Albert Doutre et Jacques Géraut
01.10.2020 – Pourvoi en cassation des parties civiles
15.12.2020 – Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation ordonnant le renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel
L’avocat du Collectif du 21 octobre, Patrice Spinosi, estime que qu’en l’absence de « garanties légales suffisantes« , le « procédé de nasse, ou d’encagement » constituerait une « atteinte injustifiée et disproportionnée » aux libertés fondamentales.
C’est l’article 1er de la loi 95-73 du 21 janvier 1995, modifiées par la loi 2003-239 du 18 mars 2003, qui confèrent à l’État le devoir d’assurer le maintien de l’ordre public, qui sert de fondement juridique à la QPC :
« Le législateur a-t-il, d’une part, méconnu sa propre compétence en affectant des droits et libertés que la Constitution garantit, en l’occurrence, la liberté individuelle, la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression et de communication, ainsi que le droit d’expression collectives des idées et des opinions, en ce qu’il s’est abstenu de prévoir des garanties légales suffisantes et adéquates concernant le recours par les forces de l’ordre au procédé de nasse, ou d’encagement, par lequel les forces de l’ordre privent un groupe de personnes de leur liberté de se mouvoir au sein d’une manifestation ou à proximité immédiate de celle-ci, au moyen d’un encerclement, et, d’autre part, porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à l’ensemble de ces mêmes droits et libertés que la Constitution garantit ? »
Le nassage constitue-t-il une entrave aux libertés fondamentales garanties par la Constitution ? Encercler et confiner tout ou partie d’une manifestation au moyen d’un cordon d’agents des forces de l’ordre (définition de l’ACAT), en créant des frontières étanches, clôturant un espace dont il est impossible de s’extraire » (Observatoire des libertés publiques) est-il contraire aux libertés d’expression et de circulation ?
Le Kettling et la Cour Européenne des Droits de l’Homme
Dans une arrêt Austin et autres c. Royaume-Uni (39692/09, 40713/09 et 41008/09) du 15.03.2012, la CEDH examinait une affaire remontant à la manifestation anticapitaliste et antimondialisation du 1er mai 2001 à Londres. Les organisateurs n’avaient pas notifié la police de leurs intentions, et les documents qu’ils avaient distribués auparavant faisaient état d’incitations au pillage, à la violence et à la participation à diverses actions de protestation à travers Londres. Selon les renseignements dont disposait la police, outre des manifestants pacifiques, entre 500 et 1000 individus enclins à la violence et à la confrontation étaient susceptibles d’être présents. Tôt dans l’après-midi, une foule nombreuse convergea vers Oxford Circus, de sorte qu’au moment des événements en cause quelque 3 000 personnes y étaient rassemblées, et plusieurs milliers d’autres étaient massées dans les rues adjacentes. Afin de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens, la police prit la décision de contenir la foule en mettant en place un cordon bloquant toutes les issues dans le quartier. En raison des actes de violences que commettaient ou risquaient de commettre des individus à l’intérieur et à l’extérieur du cordon, et en raison d’une politique consistant à fouiller et à établir l’identité des personnes à l’intérieur du cordon qui étaient soupçonnées d’être des fauteurs de troubles, de nombreux manifestants pacifiques et passants, dont les requérants, ne furent pas relâchés avant plusieurs heures.
C’était la première fois que la Cour était amenée à examiner l’application de la Convention concernant la technique du « kettling« .
La Cour a estimé que la nature coercitive de la mesure de confinement au sein du cordon, sa durée et ses effets sur les requé-rants, notamment l’inconfort physique qu’elle leur a causé et l’impossibilité dans laquelle elle les a mis de quitter Oxford Circus, sont des éléments qui militent en faveur d’un constat de privation de liberté. Elle a toutefois également pris en compte le « genre » et les « modalités d’exécution » de la mesure en question, imposée dans un but d’isolement et de confinement d’une foule nombreuse, dans des conditions instables et dangereuses. Cette mesure de confinement a été préférée à des méthodes plus radicales qui auraient pu donner lieu à un risque supérieur d’atteintes aux personnes. La Cour n’aperçoit aucun motif de se démarquer de la conclusion du juge interne selon laquelle la mise en place d’un cordon intégral était le moyen le moins intrusif et le plus efficace de parer à un risque réel de dommages corporels et matériels graves.
Partant, la CEDH a jugé que la mise en place du cordon ne constituait pas une « privation de liberté« . Au demeurant, les requérants ne prétendaient pas que la mise en place initiale du cordon ait eu pour effet immédiat de priver de leur liberté les personnes prises à l’intérieur et la Cour ne put identifier un moment précis où cette mesure se serait muée d’une restriction à la liberté de mouvement qu’elle constituait tout au plus en une privation de liberté. Cinq minutes environ après la mise en place du cordon intégral, la police envisageait déjà de commencer une opération de dispersion contrôlée. Elle fit par la suite de nombreuses tentatives en ce sens et suivit constamment de très près l’évolution de la situation.
Dès lors, dans les circonstances spécifiques et exceptionnelles de la cause, il n’y a pas eu privation de liberté au sens de l’article 5 § 1.
La Cour a tenu cependant à préciser que, compte tenu de l’importance fondamentale de la liberté d’expression et de la liberté de réunion dans toute société démocratique, les autorités nationales doivent se garder d’avoir recours à des mesures de contrôle des foules afin, directement ou indirectement, d’étouffer ou de décourager des mouvements de protestation. Si la mise en place et le maintien du cordon par la police n’avaient pas été nécessaires pour prévenir des atteintes graves aux personnes ou aux biens, la mesure aurait été d’un « genre » différent, et sa nature coercitive et restrictive aurait pu suffire à la faire tomber dans le champ de l’article 5. [Conclusion: non-violation – quatorze voix contre trois]
En France, le nassage est apparu lors des manifestations contre le contrat première embauche (CPE) en 2006. Ces dernières années, l’emploi de cette technique s’est banalisé, notamment lors des mouvements sociaux contre la loi Travail (2016), des gilets jaunes (depuis 2018), contre la réforme des retraites (2019-2020) ou, plus récemment, contre la loi Sécurité globale.
Dans son rapport « CONTRÔLER, RÉPRIMER, INTIMIDER. Nasses et autres dispositifs d’encerclement policier lors des manifestations parisiennes« , l’Observatoire parisien des Libertés Publics de la Ligue des droits de l’Homme et du Syndicat des Avocats de France analyse cette technique de maintien de l’ordre comme une privation pour les manifestants de leur liberté d’aller et venir, une entrave disproportionnée à la liberté d’expression et au droit de manifester, qui porte atteinte à la dignité et à la sécurité des personnes. Le rapport fournit de nombreux exemples, et pointe aussi le fait que ces nasses hermétiques affectent tout autant des mineurs dont les parents ne sont pas prévenus, que ces personnes sont resserrées de très près et qu’elles reçoivent du gaz lacrymogène, des grenades et des jets de canon à eau.
D’autres formes d’encerclement que la nasse sont aussi épinglés dans le rapport : lorsque le cortège en mouvement est entièrement encadré par les forces de l’ordre à l’avant, à l’arrière et sur les côtés, dictant le rythme aux manifestants (manif contre la loi de sécurité globale du 12 décembre); lorsque des conditions sont exigés pour pouvoir sortir, comme faire disparaître tout signe d’appartenance.
Dans un rapport publié en décembre 2017 déjà, le Défenseur des droits recommandait « la fin de fin de la pratique de l’encagement » qu’il jugeait ne pas avoir de « base légale en France« . Recommandations renouvelées le 10 juillet 2020 dans une décision-cadre n°2020-131.
Le Conseil constitutionnel doit maintenant se prononcer dans les 3 mois.
Selon Me Patrice Spinosi, « Si le Conseil constitutionnel nous suit, le gouvernement devra légiférer sur les conditions du recours à la technique de la “nasse”, largement utilisée et critiquée ces dernières années ». Cette décision « sera d’autant plus bienvenue que nous vivons actuellement une crise importante du maintien de l’ordre. Le besoin que les juges garantissent les droits et libertés des manifestants quand la loi n’encadre pas suffisamment l’action des forces de l’ordre n’en est que plus fort. »
Ce qu’a vécu Michel Zecler samedi 21 novembre chez lui et révélé dans une interview vidéo par Loopsider, dans son studio de production, fait peur, très peur. Cela aurait pu arriver chez vous, à votre domicile, dans votre sanctuaire. VOUS auriez pu subir le même traitement bestial, sans aucun moyen de vous protéger.
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Arrivé devant son studio, Michel Zecler croise une voiture de police. Il décide d’entrer immédiatement par peur d’une amende : il ne porte pas de masque. Les 3 flics sortent de leur véhicule et le suivent jusqu’à l’entrée de son studio. Sans un mot, ils pénètrent illégalement dans le studio et essayent de l’en faire ressortir en le tirant. Puis ils ferment la porte, et la violence se déchaîne :
Michel se fait défoncer pendant 5 minutes et 12,secondes il n’y a pas d’autres mots, par les trois agents du XVIIème simplement parce qu’il ne portait pas son masque. Aussi peut-être un peu parce qu’il est… noir (d’où les injures racistes). Une vingtaine de coups de poings, une dizaine de coups de pieds, plus d’une quinzaine de coups de matraques, au visage et à la tête pour la plupart, coups de genoux dans la tête, prises d’étranglements répétées…
Les agresseurs flicards s’en prennent aussi pris à neuf jeunes artistes présents dans le studio de Black Gold : au sous-sol, les jeunes sont en train d’enregistrer un morceau quand ils entendent les hurlements de leur producteur. Ils montent les escaliers vers le sas d’entrée.
Wensly, 21 ans : « On savait pas ce qui se passait en fait, on voulait savoir, mais la porte était bloquée, on a réussi à l’ouvrir un peu, et on a vu que c’était des policiers qui frappaient Michel, et Michel criait aussi… À force de pousser, ils ont lâché, et ils ont pris peur, ils sont sortis aussi, ils ont libéré Michel. Nous on a fermé la porte du studio. »
Repoussés à l’extérieur, les flics tentent à nouveau de rentrer dans les locaux en essayant de défoncer la porte et de briser la vitrine à coups de matraque. Les 3 agents ont appelé des renforts. Ils dégainent leurs armes et crient à Michel de sortir : » Sors ! À terre ! Les mains en avant ! »
Nouvelle bastonnade… D’autres flics descendent alors chercher les jeunes, réfugiés au sous-sol, pour éviter le gaz lacrymo.
« On voit deux policiers asphyxiés avec des armes, qui nous braquent. Et moi je vous mens pas monsieur, au moment où j’ai vu le policier rentrer dans la pièce, il avait même pas encore parlé que je me suist mis par terre directement. J’ai mis mes mains sur ma tête pôur lui montrer que y a rien du tout là, parce que j’avais vraiment peur. Je fais un faux geste, un geste trop brusque, il peut tirer sans faire exprès ! »
« On a pu sortir, on a monté les escaliers, et quand on est sortis, voilà, ils nous ont fait une haie d’honneur, on est sortis au milieu de tous, ils nous ont tous tapés, ils nous ont mis par terre et voilà. »
« Et là, Boum ! On a commencé à me frapper, frapper, frapper, on a pris ma tête, ils l’ont traîné sur cinq mètres. Ça m’a frotté le visage, après ils m’ont enchaîné de coups, et j’ai entendu « Caméra ! Caméra ! » C’est les passants qui filmaient par leurs fenêtres… Dès que j’ai entendu les policiers dirent « Caméra ! Caméra ! On est filmés « , ils ont arrêté de me frapper« …
Les policiers ne savaient pas qu’ils étaient filmés par les caméras de vidéosurveillance du local. Ils ont d’abord prétendu que Michel aurait tenté de saisir leur arme, ce qui est formellement contredit par les images analysées par Loopsider. Il est aussi accusé d’outrage et de rébellion et placé en garde à vue. Les neuf autres victimes sont immédiatement relâchées après une simple prise d’identité. Les parents du mineur du groupe n’ont pas été contactés…
Un des jeunes artistes conclut : « On sait pas en fait, on sait pas ce qui s’est passé, on sait pas la raison de leur venue, et même eux, je pense qu’ils ne sauront pas dire pourquoi ils sont venus. Donc ça procure une sensation de dégoût, de haine. »
Cette affaire arrive en plein débat sur la loi Sécurité Globale, une proposition de loi actuellement en discussion au Parlement, dont l’article 24 édicte :
Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police.
Si cet article avait été en vigueur au moment de l’agression de Michel Zecler, les images des caméras de vidéosurveillance du studio, ainsi que les images filmées par les voisins n’auraient pu être diffusées, ni par la presse, ni par leurs auteurs, qui se seraient alors exposées pénalement.
On a ainsi un exemple parfait et arrivé à point nommé qui démontre sans l’ombre d’un doute que :
la police a utilisé la force sans raison valable
la police a utilisé la force de manière disproportionnée
la police a proféré des injures racistes
la police a sciemment menti quand elle affirme que Michel s’est rebellé
la police a sciemment menti en prétendant que Michel a tenté de se saisir de leurs armes
les policiers impliqués ont sciemment menti à leurs collègues appelés en renfort
les images filmées des forces de police en intervention peuvent devenir le seul rempart des citoyens contre des débordements dans la sphère privée autant que dans l’espace public, prouvant ainsi le danger que représente la proposition de loi pour les libertés individuelles face à la police.
Encore un triste épisode de la militarisation de la chasse aux migrants. La jeune victime est toujours hospitalisée une semaine après…
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Mercredi 11 novembre, 15:00, camp de fortune installé sur un terrain de BMX à Calais. Près de 200 Érythréens y sont installés. Seuls 2 bénévoles du Refugee Info Bus sont sur place quand une compagnie de CRS débarque et empêche les migrants de rentrer au camp et d’accéder aux services de l’association. Mission selon la Préfecture : « sécuriser une intervention de sapeurs-pompiers pour porter assistance à un migrant blessé. »
15:30. Une vingtaine de migrants rejoignent ceux toujours bloqués à l’entrée du camp. Interdite. Bloquée. La tension monte. Les CRS, se disant « victimes de jets de projectiles« , jettent plusieurs grenades lacrymo et bloquent plusieurs migrants entre deux combis.
Selon Amanda, du Refugee Info Bus, les CRS tirent alors sur des personnes bloquées entre les combis. Un Érythréen tombe; blessé. Visé à la face, à moins de 10 mètres. La munition lui a éclaté au visage. On retrouve une douille de LBD40 auprès de lui. Ses camarades supplient les CRS de ne pas le laisser mourir et de les laisser l’emmener à l’hôpital. Amanda et son équipe embarquent la victime dans leur camion. « Les CRS nous ont bloqué et nous ont demandé d’ouvrir la camionnette […]Il était très clair que c’était urgent, car la table dans le fourgon était couverte de sang et sa tête était déformée. »
« La personne blessée était complètement défigurée et méconnaissable. Elle n’arrivait pas à ouvrir les yeux et était couverte de sang. Elle avait une profonde blessure au milieu du front. Un pompier demande au CRS comment la personne s’est blessée. Il lui répond que c’était “surement un caillou d’un de ses compatriotes“« , selon Chloé, de Human Rights Observer. HRO a précisé qu’une saisine de la Défenseure des Droits est « en cours« .
Deux exilés portent leur ami jusqu’à l’ambulance. L’un d’eux est ensuite interpellé par la police nationale. « Formellement reconnu comme étant l’un des auteurs du caillassage », affirme la Préfecture. Jugé au tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, il a été condamné à sept mois de prison avec sursis. La préfecture précise également que « le préfet a sollicité le directeur départemental de la sécurité publique en lui demandant un rapport très précis sur les faits allégués« .
Une intervention qui dégénère. Pas une première à Calais : Depuis le 21 juillet 2020, HRO explique que ce camp d’Érythréens a fait l’objet de plus de 50 expulsions, dont deux démantèlements d’ampleur, le 21 août et le 29 septembre. À chaque fois, ils reconstituent leur camp. Depuis le reconfinement, migrants et bénévoles témoignent d’une recrudescence des actes de violences et d’intimidation à l’égard de cette communauté.
Grande première dans les violences de flics contre les Gilets jaunes : c'est la première fois depuis novembre 2018 qu'un policier est condamné pour un acte de violences envers les manifestants
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Le CRS de 44 ans comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris des chefs de « violences volontaires de la part d’une personne dépositaire de l’autorité publique » lors de la mobilisation des Gilest Jaunes du 1er mai à Paris (XIIIème). Il était accusé d’avoir jeté un pavé.
Sur deux vidéos visionnées lors de l’audience, ce CRS d’une compagnie de Toulouse se saisit d’un pavé au sol, prend de l’élan et le lance vers des manifestants, à « environ huit mètres ». Les images ne montrent pas où a atterri le projectile.
« Votre réaction n’était absolument pas nécessaire à la légitime défense », a souligné le président, évoquant un geste « d’exaspération, de panique, de représailles aux jets de projectiles » mais aussi des « circonstances éprouvantes ».
En novembre, le parquet avait requis trois mois de prison avec sursis. Le CRS a finalement été condamné à deux mois de prison avec sursis.
🔸 Sur la fin de la manifestation du #1erMai #Lyon, un peu avant d’arriver sur la place Jean Macé, une personne s’est faite éclater au tonfa par les flics (3 points de suture à la tête, de nombreuses contusions dans la dos). La personne souhaite faire un appel à témoins pour retrouver si possible des vidéos qui pourraient servir de preuve de ce qui lui est arrivé.
🔸 Si vous avez des informations à partager sur cette violence policière, merci de vous signaler dans un premier temps par le biais de Rebellyon : contact@rebellyon.info